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exprimé par le nombre 15 1/2 ne se rétablissait pas toujours, par la raison qu’il n’avait jamais existé de Pharamond à Louis XVI. Mais pour s’apercevoir de son erreur au moment où il parlait, le 23 juin dernier, M. Rouland n’avait qu’à ouvrir les yeux et à regarder autour de lui. Les écarts de ce rapport de 1 à 15 1/2 n’avaient été depuis le commencement du siècle que de 3 à 4 pour 100 au plus ; ils étaient portés à 15. Il était donc fort téméraire en prédisant que le rapport de 1 à 15 1/2 entre les valeurs respectives des deux métaux ferait un prompt retour ; au moment même où M. Rouland annonçait que l’argent remonterait, il baissait de plus fort.

Tout différens ont été le langage et l’attitude de M. Léon Say. Il n’a point été hardi, mais la hardiesse n’est pas le rôle d’un ministre des finances. Il a gazé dans ses discours la gravité de la situation, mais il s’est exprimé en homme qui en a conscience. Dans la même séance où M. Rouland avait fait montre de son fusil prêt à partir, afin de protéger le nombre vénéré de 15 1/2, il a prononcé ces paroles : « Je reconnais que, si les circonstances ne changent pas, il faudra bien trouver une solution ; ce qui signifie que, dans son opinion, la loi qu’il avait présentée et qu’on allait voter était un expédient d’une utilité provisoire et non une solution, et puisque les circonstances s’aggravent, c’est une solution qu’il faut chercher et appliquer sans retard.

Or les solutions possibles ne sont pas nombreuses : on n’en peut citer que deux. L’une est celle qu’a indiquée le conseil supérieur du commerce à la suite de l’enquête de 1869-1870 : graviter résolument vers le système monétaire de l’Angleterre, auquel vient de se rallier l’empire allemand : l’étalon unique d’or institué dès à présent, l’argent réduit au rôle de métal subordonné, servant à faire les pièces destinées aux appoints et aux menues transactions ; suspendre immédiatement là fabrication des pièces d’argent de 5 francs dont il y a des quantités surabondantes, et provisoirement, pendant un certain nombre d’années qui serait limité plus tard après que l’expérience aurait été faite, admettre ces pièces dans les paiemens jusqu’à concurrence d’une somme qui pourrait être de 100 francs.

L’autre solution serait de s’efforcer de garder l’or et l’argent à côté l’un de l’autre dans la circulation, tous les deux avec l’attribut le plus essentiel de la monnaie véritable, à savoir la puissance libératoire pour les dettes, non-seulement jusqu’à la limite de 50 francs, qui est adoptée pour l’argent en Angleterre et pour le billon d’argent en France, mais quel que soit le montant de la somme due, sauf à remplacer par un autre rapport entre les deux métaux celui de 1 à 15 1/2, qui était sensiblement exact en l’an XI et qui est resté avec cette justesse approximative pendant trois quarts de siècle