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Guanaxuato et autres ont offert aussi le caractère d’une grande continuité de richesse, quoiqu’il y eût des périodes alternatives de gros revenus et de revenus médiocres.

Étant données les circonstances suivantes : l’activité sans pareille du peuple américain dans ses entreprises, sa supériorité dans les arts mécaniques, parmi lesquels se rangent celui du mineur et celui de la préparation des minerais, l’énergie, l’habileté et la promptitude avec lesquelles il trace des voies de communication perfectionnées à travers les régions qui promettent d’être très productives, les prodiges qu’il a l’habitude de faire dans l’exploitation des ressources que lui offre la nature, et enfin le grand nombre des filons d’argent épars dans les états riverains du Pacifique ; il est vraisemblable que la production de l’argent va acquérir aux États-Unis un développement plus grand encore qu’aujourd’hui. C’est une hypothèse qui a autrement de probabilité que celle de l’épuisement de ces mines d’argent. Les Espagnols, qui étaient de mauvais mécaniciens, qui ne savaient pas établir de routes praticables, et qui payaient de gros impôts sur le revenu des mines, sont parvenus à tirer 7 milliards de francs des flancs de la montagne du Potosi. Que ne retirera-t-on pas des filons du Nevada et des états circonvoisins ? Le célèbre Humboldt, qui ne connaissait pas le filon de Comstock ni les autres de la région voisine du Pacifique qu’occupent les États-Unis, mais qui avait étudié sur plusieurs points la chaîne des Andes, et après lui un observateur très distingué, M. Saint-Clair Duport, ont annoncé il y a longtemps que l’Europe serait un jour inondée de l’argent de l’Amérique. L’événement commence à leur donner raison.

On a représenté aussi qu’il se pourrait bien qu’on trouvât une mine d’or assez riche pour rétablir l’ancien équilibre entre la valeur de l’or et celle de l’argent, d’où l’on concluait bravement qu’il fallait demeurer dans le statu quo et ne pas abjurer le culte du nombre 15 1/2. On aurait dû dire sur quoi l’on se fondait pour mettre en avant l’hypothèse de cette trouvaille. Dans les conversations qu’on tient dans un salon pour tuer le temps, on peut s’abandonner à toutes les suppositions et se jeter à travers le terrain de l’hypothèse, qui est indéfini ; cela fait passer une heure ou deux. D’ailleurs personne ne peut prouver mathématiquement qu’il n’existe pas quelque part une mine d’or où le métal soit aussi abondant que le fer dans l’île d’Elbe, ni même qu’il n’y ait pas dans quelqu’un des archipels encore inexplorés de la Mer du Sud une île où le sable des rivières soit de la poudre d’or, et où les pierres précieuses soient tellement abondantes que les enfans y jouent au palet avec des rubis ou des émeraudes, comme ceux que Candide et Cacambo rencontrèrent dans l’Eldorado ; mais, dans les discussions sérieuses, on