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à Londres pour fournir aide et protection aux jeunes indigènes qui désirent visiter l’Angleterre, le Mechanic’s Institute, fondé à Bombay par la riche famille des Sassoon pour servir de bibliothèque publique, la Société géographique de Bombay et d’autres encore, dont le nom indique suffisamment l’objet et dont la création est également due à l’initiative européenne. Cette année même, tandis que la visite de son altesse royale le prince de Galles attestait l’importance chaque jour grandissante de l’Inde dans les calculs de la politique britannique, deux autres missionnaires de la civilisation, miss Mary Carpenter et le professeur Monnier Williams, parcouraient isolément les principaux centres du pays, afin de recueillir des adhésions, celui-ci en faveur d’un institut qu’il se propose de fonder à l’université d’Oxford pour les Hindous et les Européens désireux d’approfondir les connaissances relatives à l’Inde, celle-là au profit de l’éducation féminine, dont elle s’est faite l’ardente et infatigable propagatrice. C’est également une dame étrangère qui a institué à Calcutta en 1873 ces visiteuses de l’instruction chargées de porter à domicile l’enseignement des filles, enrayé dans les écoles publiques par le préjugé populaire.

Ces efforts et ces mesures commencent à porter leurs fruits. En apparence, la vieille société indigène est encore debout ; mais de toutes parts s’y montrent des germes de dissolution chaque jour plus développés. Une véritable soif d’instruction, surtout dans les sciences, envahit peu à peu cette portion des classes supérieures qui se trouve en contact direct avec les Européens. Des associations indigènes se fondent sur tous les points du pays pour ranimer le goût des hautes études orientales et pour vulgariser par des traductions en dialecte local les principaux ouvrages de la science anglaise. M. Garcin de Tassy, dans son excellente Revue de la langue et de la littérature hindoustanies, donne sur ces sociétés et sur leurs travaux un aperçu qui révèle un mouvement intellectuel d’une intensité vraiment surprenante.

A Bombay et à Calcutta surtout, on trouve des sociétés de conférences et de discussions (debating societies) où l’on voit des indigènes traiter indifféremment en hindoustan et en anglais des sujets tels que les doctrines de Bouddha, le positivisme de Comte, les théories de Darwin, etc. A Calcutta, certaines de ces associations ont même pris une tournure politique, comme « l’Association du peuple » et la « Ligue radicale, » titres sonores qui ne sont guère de nature à effaroucher personne, quand on voit cette dernière société prendre pour président d’honneur le lieutenant-gouverneur du Bengale. N’oublions pas non plus l’Indian reform association, dont le plus beau titre est la fondation d’une école normale pour filles à Calcutta. Un fait à signaler, c’est que parmi les classes