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LA MISSION
DE L’ANGLETERRE
DANS L’INDE

On ne peut aborder l’examen de l’administration anglaise dans l’Inde sans être frappé de la ressemblance qu’elle offre avec l’organisation de l’empire romain. Des deux côtés apparaît une conquête, graduellement étendue, tantôt par les développemens d’une politique traditionnelle, tantôt par de simples nécessités de conservation et de défense, à une vaste agrégation de peuples relevant de races et de religions diverses. De part et d’autre, la domination s’exerce par une hiérarchie savante et compliquée de fonctionnaires investis d’un pouvoir absolu sur les populations conquises, mais ne devant leur autorité, comme leur prestige, qu’à la délégation du gouvernement central, et les perdant avec elle, — cumulant en un mot les devoirs d’un citoyen avec l’autorité d’un despote. Des deux côtés percent la même tendance à respecter l’organisation civile des indigènes, mais en la garantissant par les méthodes juridiques de la société conquérante, — la même tolérance ou plutôt la même neutralité hautaine vis-à-vis des dissensions religieuses, en tant qu’elles ne menacent pas ce que les Romains appelaient la pax romana et que les Anglais ont appelé, par analogie, la pax britannica, mais aussi la même énergie dans la répression, dès qu’elles en viennent à compromettre les bienfaits de l’ordre matériel garanti aux vaincus en échange de leur indépendance. Comme Rome avait ses provinces du sénat, ses provinces du prince et ses états tributaires qui conservaient une ombre d’autonomie sous la surveillance d’un fonctionnaire