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une croisière inutile ? Les campagnes de Stephen Burrough ont toutes eu leur utilité. Bien des années se passeront avant qu’aucun hydrographe ose rien ajouter aux renseignemens que le capitaine du Searchthrift rapporte à Kholmogory. Un seul havre lui a échappé ; ce havre deviendra le rendez-vous des navires hollandais que le privilège de la compagnie moscovite éloignera pour longtemps encore de la Mer-Blanche. Débouchant par 68° 52’ de latitude nord et 50° 43’ de longitude orientale, entre l’île Kilduin et la péninsule de Kegor, la rivière de Kola donne son nom au port où le Searchthrift a négligé de mouiller. On compte en 1557, à Kola, une cinquantaine d’habitans. Kegor, au contraire, n’a pas de population fixe. Stephen Burrough y a rencontré, outre des Lapons nomades, des Russes et des Kerils. « Les Russes et les Kerils, dit-il, voulaient me vendre du poisson ; les Lapons m’en offraient aussi. Je leur fis répondre que je n’avais ni marchandises ni argent à leur donner en échange. Quelques-uns de ces Lapons, pour arriver sur leur terrain de pêche, avaient voyagé pendant huit semaines avec leurs rennes, et ces rennes ont plus de vitesse que des chevaux. Pendant que je m’entretenais avec eux, le député de l’empereur de Russie, venu à Kegor pour y recueillir le tribut, me fit inviter à me rendre à sa tente. Après des salutations très courtoises, il me demanda pourquoi nos bâtimens ne fréquentaient pas ces parages. Je lui répondis qu’avant l’époque présente nous ne connaissions pas le port de Kegor. Nous ignorions qu’il y eût de ce côté un marché ouvert. Il me dit alors : « Si vous voulez conduire ici vos navires, il y viendra certainement des pêcheurs en grand nombre. Vous devriez, sans plus attendre, commencer. » Je répliquai : « L’année prochaine, s’il plaît à Dieu, vous verrez venir à Kegor un navire anglais. »

Que pourront apporter les Anglais à ces pauvres Lapons pour le troquer contre leur poisson sec, le meilleur stockfish de toute la Russie ? L’argent, les perles, les draps, bleu, rouge ou vert, la farine, le vin, l’étain, la bière, pourvu qu’elle soit forte, seront reçus avec une égale faveur. Ces sauvages ne sont pas cependant gens à qui l’on puisse absolument se fier ; ils sont, dans leur naïveté apparente, prétend Stephen Burrough, « tout aussi voleurs que les Russes. » Les voilà cependant qui, après avoir payé le tribut à l’empereur de Russie, le paient également, sous les yeux des Anglais, au roi de Suède et au roi de Danemark. Stephen Burrough interroge à ce sujet Vasili Feodorovitch, le député d’Ivan IV. « N’est-il pas à craindre que le commerce de la compagnie n’ait à compter avec tous ces collecteurs de taxes ? » — <t Non, non ! répond avec orgueil et avec assurance l’officier moscovite ; ni Danois, ni Suédois n’ont rien à voir à ce qui se passe ici. Les Lapons, simples et