Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/588

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

craindre, prennent majestueusement leurs ébats. « C’était le moment de leurs amours ; elles mugissaient et poussaient des cris formidables. » L’île Sienen, l’île Kwalö, sont bientôt dépassées. Le 2 juillet, l’escadre double le Cap-Nord. A minuit, Jenkinson observe le soleil à quatre degrés au-dessus de l’horizon. N’aura-t-il pas le droit de s’écrier avec un naïf orgueil, quand il bercera ses vieux jours du souvenir de ses campagnes passées : « J’ai navigué sur la Mer-Glaciale, là où nous avions une clarté constante et la vue du soleil pendant dix semaines consécutives ; j’ai navigué sur les côtes de la Norvège, de la Laponie, de la Samoïédie et dans les contrées les plus étranges. » Le 3 juillet, Jenkinson passe devant le port danois de Varduus ; il s’abstient soigneusement d’y entrer : « On a sujet de craindre, lui ont dit les consuls de la compagnie, qu’à Varduus quelque trahison n’ait été machinée par les rois, princes, ou associations auxquels déplaît le nouveau trafic. » Varduus, — les Anglais l’ignoraient en 1553, ils le savent depuis quatre années en 1557, — est un château bâti sur une île à deux milles environ du continent. Il appartient au roi de Danemark, et c’est la terre la plus orientale que ce souverain possède. Il existe deux autres îles peu éloignées de celle sur laquelle a été établi le château. Les habitans de ces îles ne vivent que de pêche et préparent beaucoup de poisson sec, qu’ils font, comme en Islande, sécher pendant la gelée. Ils n’ont ni pain, ni boisson fermentée, à moins qu’on ne leur en apporte. Le peu de bétail qu’ils conservent, ils ne le nourrissent ni d’herbe, ni de fourrages, ils le nourrissent, comme, ils se nourrissent eux-mêmes, de poisson. De Varduus à l’entrée de la Mer-Blanche, on pouvait suivre, sans crainte, la côte de la Laponie. « C’est encore là, nous apprend Jenkinson, une terre élevée et gardée toute l’année par d’éternels frimas. » Stephen Burrough en visitait précisément les mouillages et les criques, au moment même où Jenkinson en suivait au large les contours.

Parti avec le Searchthrift de Kholmogory le 23 mai 1557, Burrough espérait retrouver une seconde fois la Speranza et la Confidentia dans les parages où les avait conduites, quatre années auparavant, Willoughby, et d’où les avait ramenées le Philippe-et-Marie en 1556. Mais la carrière de la Speranza et de la Confidentia, nous l’avons déjà dit, était terminée : leur belle et fine carène, doublée de feuilles de plomb, ne devait plus, ni l’hiver, ni l’été, fendre l’onde ; il eût fallu en demander les bordages disjoints et les membres épars aux rochers de Dromheim. Le 29 mai, Burrough franchissait la barre de la Dvina et constatait qu’à l’endroit le moins profond il restait encore treize pieds d’eau. L’amplitude de la marée, dans les sizygies, ne dépassait pas trois pieds.