Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Barne, Anthonie Huse, William Garrard et William Chester. « Nous tenions beaucoup, ajoute-t-il, à ne pas trop nous approcher de la terre, car entre les îles de Rost et les îles Lofoden se trouve un tourbillon appelé Maëlstrom, — le courant qui moud ; — à partir du demi-jusant jusqu’au demi-flot, ce tourbillon fait un si terrible bruit qu’il secoue les portes des maisons sur leurs gonds à 10 milles au moins de distance. Si une baleine vient à traverser ce courant, on l’entendra pousser un cri plaintif. Les arbres que la marée entraîne vers le remous en sont rejetés plus tard par le jusant ; ils en sortent avec les branches froissées comme des tiges de chanvre quand on les a broyées. » Voilà donc tout ce que les Anglais, dès leur quatrième voyage aux régions polaires, trouvent à nous raconter touchant le fameux gouffre qu’on nous représentait encore, quand nous étions sur les bancs du collège, engloutissant et revomissant vingt-quatre heures après les vaisseaux.

Vane
Sembianze, e folle chi per voi rimane !

La légende a eu ses beaux jours en Angleterre aussi bien qu’en Espagne. Mais les temps sont changés, les contes d’autrefois doivent s’aller réfugier sur le gaillard d’avant. Ils ne trouvent plus en 1557 accès dans la cabine du capitaine[1].

La côte du Finmark, que longe avec une prudente audace le Primerose, semble former de loin une chaîne de montagnes qui s’abaisse parfois, qui ne s’interrompt jamais. D’un bout de l’année à l’autre, cette chaîne se présente, si nous en croyons Jenkinson, constamment et uniformément couverte d’un épais manteau de neige. La falaise est partout abrupte et escarpée ; la sonde, près du rivage, n’accuse pas moins de 100 et 150 brasses de profondeur. Au sein de ces eaux bleues, près de l’île Senien, des baleines de 60 pieds de long, sans souci des navires qu’elles n’ont point encore appris à

  1. Le Maëlstrom est situé entre l’Ile Mosken et la pointe sud de l’île Lofoden, par 67° 48’ de latitude nord, 10° 30’ de longitude est. Voici comment s’exprime au sujet de ce tourbillon le Pilote norvégien publié par la direction hydrographique de Norvège : « Le tournant d’eau, jadis si redouté, qui se trouve entre le cap de Lofoden et Mosken, n’a pas, à beaucoup près, l’importance qu’on lui a donnée. Sa plus grande vitesse peut être évaluée à environ six nœuds. Souvent, en hiver, les tempêtes de l’ouest règnent au large et font entrer dans les fiords une mer très grosse, tandis qu’un temps clair et sec maintient dans l’intérieur une jolie brise de terre. Dans de pareilles circonstances, il serait dangereux de s’approcher du Maëlstrom, car le courant principal et deux autres courans sous-marins, agissant conjointement, transforment ce remous en un brisant continu. On voit donc qu’en hiver on ne doit pas conseiller d’entrer ou de sortir par le Maëlstrom, mais, avec un vent fait et après plusieurs jours de beau temps, il n’y a rien qui, en été, empêche d’y passer. »