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Macaulay d’après ses écrits que de chercher dans Mesure pour mesure le portrait de Shakspeare. D’autre part, il a été moins répandu qu’on ne serait tenté de le supposer quand on songe à la part importante qu’il prit à de grands débats parlementaires et aux fonctions politiques dont il s’acquitta. En réalité, si brillante figure qu’il pût faire dans le monde quand il le voulait bien, il l’a peu fréquenté, ne lui donnant que ce qu’il ne pouvait lui refuser, et ne sortant qu’à contre-cœur, surtout dans les derniers temps, du petit cercle que formaient autour de lui quelques amis et sa famille. Cette intimité, M. Trevelyan vient de la détruire en nous montrant dans un récit intéressant et par de nombreux extraits de sa correspondance combien chez Macaulay l’homme était digne de respect. Les pages de cette biographie où M. Treveylan a laissé parler son oncle n’ajouteront pas grand’chose à la gloire du littérateur, mais elles apprendront à bien des lecteurs que le cœur de l’écrivain n’était pas moins haut que son intelligence.


I

C’est sous la plume du biographe de Johnson que le nom de Macaulay paraît pour la première fois dans l’histoire littéraire, à propos d’une description de Saint-Kilda que lisait le célèbre docteur. Le narrateur, qui n’était autre que Kenneth Macaulay, grand-oncle de l’historien, assurait gravement que, toutes les fois qu’un navire abordait dans cette île des Hébrides, les habitans ne manquaient pas de s’enrhumer ; cette étonnante assertion plut tellement à l’imagination superstitieuse de l’auteur de Rasselas, qu’il déclara aussitôt que celui qui avait eu le courage de la signer méritait d’être loué pour sa « grandeur d’âme » dans ce siècle d’esprits forts. Le propre père de l’historien, Zacharie Macaulay, a des titres plus sérieux au souvenir bienveillant de la postérité. Fils d’un ministre écossais, chargé tout jeune encore des fonctions de régisseur dans une plantation de la Jamaïque, le spectacle de l’esclavage révolta son âme et décida de sa vocation. Tandis qu’à côté de lui les gens les plus pieux trouvaient de bons argumens pour défendre l’odieuse institution, Zacharie Macaulay, logicien moins habile, ne voulut plus de part au trafic dont l’avaient dégoûté huit années d’expérience. Il refusa la position avantageuse qu’on lui offrait, et revint en Europe. Quelques hommes de bien, à la tête desquels se trouvait Wilberforce, rêvaient alors la colonisation de l’Afrique au moyen d’esclaves libérés. Une compagnie s’était formée à cet effet ; on donna au jeune écossais la seconde place dans le conseil de Sierra-Leone, et bientôt après celle de gouverneur de la colonie. La tâche était rude. En