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il avait fallu plus d’une fois repousser les incursions, reçurent à leur tour la visite des Russes. Une petite partie de la Sibérie septentrionale appartint dès lors, nominalement du moins, à la grande principauté de Moscou. Le successeur d’Ivan, Vasili IV, inséra dans ses titres celui de « tsar d’Obdorskoï et de Kondorskoï, » c’est-à-dire des pays situés sur l’Oby et sur la Kondora.

C’est très vraisemblablement à cette époque que fut rédigé l’itinéraire dont l’envoyé de l’empereur Maximilien, le baron Sigismond Herberstein, eut communication pendant son séjour à Moscou, et qui parut à Bâle en 1556, traduit pour la première fois par les soins du baron, en latin. La route de Moscou à Vologda devait être dès le XVe siècle, si l’on en croit ce précieux document, une route journellement fréquentée et d’un parcours facile. La rivière de Vologda, puis celle de Soukhana, étaient également, longtemps avant l’apparition des vaisseaux de Chancelor et de Killingwortb, la voie généralement suivie entre Vologda et Oustioug. Formée par la réunion des eaux de la Soukhana et du Joug, la Dvina portait, sans exiger aucun transbordement, les voyageurs d’Oustioug à Kholmogory. Cinq jours de marche encore, et l’on pouvait atteindre l’extrémité du fleuve « qui se jette par six bouches dans l’océan du nord. » Ce n’est pas toutefois à l’Océan-Glacial, c’est à la Petchora que l’itinéraire russe s’engage à nous conduire.

Faisons un instant abstraction de notre science moderne, devenons en esprit un contemporain d’Herberstein et voyons si la Moscoviœ descriptio, les Chorographicœ tabulœ et les Itineraria publiés à Bâle ne nous égareront pas dans ce long labyrinthe de lacs et de rivières, à travers lequel une révélation indiscrète nous promène. N’oublions pas d’ailleurs, lorsque la voie fluviale nous paraîtra offrir de trop amples lacunes, que là où l’eau manquait, les soldats d’Ivan III et de Vasili IV, non moins prompts à prendre un parti que les Cosaques du Don et les sauvages du nouveau continent, chargeaient sans hésiter sur leurs larges épaules a canots, hardes et vivres. » Avec « le portage », tout s’explique. Mettons-nous donc hardiment en route sur la foi du savant diplomate qui naquit en 1486 dans la Styrie, fut en 1516 ambassadeur de l’empereur d’Allemagne à Moscou et mourut en l’année 1566, président de la chambre des finances d’Autriche.

Nous devrons, pour le suivre, commencer par abandonner à Kholmogory la Dvina. Il nous suffira de remonter l’espace de 200 verstes la Pinega, dernier affluent de la Dvina sur la droite, pour arriver à la rivière Kouloï ; huit jours après, la Kouloï nous aura déposés sur la côte orientale du golfe, « grand comme une mer, » qui porte en effet aujourd’hui le nom de Mer-Blanche. Il faut ici de toute nécessité affronter l’air salin. Nous ne l’affronterons en somme que pour