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distance déterminée à laquelle un objet serait visible. On sait que la vue est loin d’être aussi imparfaite. L’œil se porte-t-il sur un objet placé à 15 centimètres de distance, par exemple sur un fil métallique très brillant, il le voit parfaitement limité tout aussi bien que s’il était à la distance de 30 centimètres.


III

Le principe de finalité, ainsi dégagé de toutes les hypothèses, et même de toutes les inductions légitimes auxquelles il peut conduire, réduit à l’incontestable vérité d’une loi supérieure, si l’on veut, mais nullement contraire aux lois qui gouvernent le monde inorganique, peut être accepté de toutes les écoles qui ne s’enferment pas dans un étroit empirisme ou dans un mécanisme absolu. Il a rallié les écoles les plus diverses, Anaxagore, Socrate, Platon, Aristote, Zénon et Cléanthe, Plotin, dans la philosophie ancienne ; Fénelon, Bossuet, Malebranche lui-même, Leibniz, Kant, Rousseau, Schelling, Hegel, dans la philosophie moderne. Il n’a trouvé de contradiction absolue que chez les atomistes anciens et nouveaux, Démocrite, Épicure, Lucrèce, et des philosophes contemporains, savans et penseurs distingués pour la plupart, dont les noms sont en faveur chez les partisans des méthodes positives. Nous disons contradiction absolue, parce que c’est moins la doctrine que la méthode qui a fait repousser le principe par Bacon, par Descartes, par Spinoza, par les plus grands adversaires de la scolastique. Bacon était trop religieux, Descartes trop spiritualiste, Spinoza trop idéaliste, pour ne pas retrouver, par une autre voie, il est vrai, la haute pensée sans laquelle il n’y a pas de métaphysique proprement dite. Et Voltaire, le railleur impitoyable des causes finales, en sa qualité de disciple de Locke et de Newton, n’en a pas moins invoqué, sous sa forme la plus populaire, le principe de la finalité en preuve de l’existence de Dieu : on ne comprend pas l’horloge sans l’horloger.

Il semble difficile, après de tels exemples et de telles analyses, de ne pas reconnaître tout à la fois l’insuffisance des lois physiques et la nécessité d’une loi vraiment métaphysique, bien que révélée par l’expérience, pour l’explication des phénomènes de la nature vivante. Et pourtant, il faut bien l’avouer, jamais la thèse des causes finales n’a été contestée avec autant de force qu’aujourd’hui au nom de la science positive. Jamais on n’avait conçu des hypothèses aussi ingénieuses pour expliquer, sans le principe de la finalité, l’organisation des êtres vivans. Jamais enfin on n’avait mis au service de thèses qui semblaient désespérées depuis le discrédit du matérialisme du XVIIIe siècle, les résultats scientifiques des méthodes expérimentales, L’atomisme antique, qui ne connaissait guère plus les