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intérêt d’actualité, qu’on nous passe ce mot barbare, devenu banal. De tous les maîtres de la pensée contemporaine qui ont concouru à la direction philosophique imprimée aux nouvelles générations, M. Janet est un des plus résolus et des plus habiles tout à la fois. Esprit libre de passion comme de préjugés, il est du petit nombre des disciples de notre illustre maître qui, en cherchant la vérité, ne s’inquiète point outre mesure des conséquences où elle peut mener, bien sûr d’avance que, dans la sphère de la pensée pure tout au moins, tout ce qui est vrai est bon, et qu’il ne peut y avoir de désaccord entre la vraie science et la vraie philosophie, que par des malentendus que tous les bons esprits de part et d’autre doivent s’efforcer de dissiper. Sans défiance comme sans engoûment, il n’a point pris pour des doctrines qui ont la vogue en ce moment ; il a laissé la panique aux faibles et la déclamation aux violens, cherchant avec une parfaite sérénité si vraiment ces théories sont aussi menaçantes qu’on le dit pour un ordre de principes que nulle grande philosophie ne peut abandonner.

Parmi ces vérités qu’il veut sauver du naufrage des vieilles doctrines métaphysiques, M. Janet a choisi pour sujet de ses recherches le principe de finalité. Nous ne saurions trop le louer d’avoir fait une thèse vraiment philosophique et scientifique d’un problème qui semblait banal à force d’avoir servi de thème aux exercices de la métaphysique théologique. Nul n’a mieux compris comment le problème avait été compromis non-seulement par les fausses ou ridicules applications qui ’en ont été faites, mais aussi par nombre de questions qui, tout en se rattachant au principe de la finalité, n’en sont point inséparables. La méthode de M. Janet commence par les en séparer et par maintenir le principe, en laissant toute liberté aux diverses écoles philosophiques sur la solution des questions qui peuvent s’y joindre. C’est vraiment un plaisir de suivre l’auteur dans le développement de cette savante méthode, de le voir s’avancer sur un terrain aussi hérissé de difficultés en comptant et en assurant ses pas, procédant toujours du problème simple au problème complexe, de ce qui ne peut faire question à ce qui reste matière à doute. C’est ainsi qu’il s’applique d’abord à bien définir la nature et la portée du principe ; puis il le montre sortant non d’une conception a priori, évidente et nécessaire, comme l’avait cru l’ancienne métaphysique, mais de l’expérience pure et de l’analyse, éclairées, il est vrai, par une intuition psychologique. Et, quand il a mis ce principe en pleine lumière par la variété et la valeur décisive de ses exemples, par la rigueur de ses analyses, par la précision et la netteté de ses explications, il le poursuit sous les diverses formes que lui ont données les diverses