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la plus sage, a voulu de tout temps, veut et voudra savoir les causes de cet ordre. Ce n’est point seulement autour de l’école positiviste, parmi les hardis partisans de la spéculation spiritualiste ou matérialiste, panthéiste ou atomistique, que se pose de nouveau le problème de l’explication des choses ; c’est au sein de l’école elle-même, par l’organe de ses maîtres les plus sûrs et les plus savans. Nulle part la consigne de la méthode purement expérimentale proclamée par le positivisme ne fut observée par ses adeptes les plus renommés. En Allemagne, tout en répudiant toute spéculation a priori, on continua la tradition des hardies synthèses, non plus au profit de l’idéalisme, il est vrai, mais en se montrant fidèle en cela au génie germanique. En France, on refît également des systèmes contre le spiritualisme, où ce goût de la simplicité et de l’unité qui caractérise l’esprit français se donna pleine satisfaction. Même en Angleterre, où le goût de l’analyse et de l’observation a toujours prévalu sur l’amour de la théorie et l’esprit de système, on vit des penseurs, comme M. Herbert Spencer, tendre à l’explication universelle des choses par un principe unique. C’est en France surtout que la nouvelle philosophie, prenant la science pour base et l’analyse pour méthode, acquit, par les travaux de savans comme MM. Berthelot, Luys et Robin, et par les hypothèses de philosophes comme M. Taine, un degré de clarté et de précision dont la pensée étrangère n’offre pas d’exemple. Ramener aux lois du mouvement tous les phénomènes de la vie universelle, y compris les faits de la vie morale, soit dans l’homme, soit dans la société, telle est la grande entreprise philosophique des plus vigoureux esprits et des plus habiles observateurs de la nature, particulièrement en Allemagne, en Angleterre et en France. Rien de plus clair et en apparence de plus intelligible que l’ordre cosmique ainsi expliqué. Tous les phénomènes de la nature sont des mouvemens, toutes les causes de ces mouvemens sont des forces ; mouvemens simples ou composés, forces primitives ou dérivées, tout le mystère des opérations de la nature est là. Les forces simples sont les élémens dont se composent les trois règnes de la nature, minéraux, plantes et animaux. Sans avoir besoin le moins du monde de ces principes d’explication dont les écoles de métaphysique sont si riches, la philosophie positive explique par des combinaisons à l’infini de mouvemens élémentaires les variétés, les beautés et les richesses de la nature vivante. Toutes ces propriétés des êtres que la métaphysique rapporte à des principes sui generis, principe vital, âme, esprit, sont le produit des actions combinées de forces primitives ; tous ces mouvemens, dont une psychologie vague affirme gratuitement la simplicité, l’unité, la spontanéité, ne sont que des