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mécompte, se voyait exposé à un échec nouveau et plus grave sous lequel il devait succomber. Or la chute du ministère, c’était une crise dont nul ne pouvait prévoir l’issue, dont l’opinion républicaine plus avancée avait dans -tous les cas peu de chances de profiter.

Qu’a-t-on fait. alors ? On s’est prudemment arrêté au seuil d’un conflit possible, on a eu recours à l’éternel expédient du provisoire. La commission municipale s’est ingéniée à résoudre le problème de désintéresser à demi les républicains par l’abrogation de la loi de 1874, de donner satisfaction au gouvernement en lui laissant le droit de nommer pour le moment les maires dans les cantons comme dans les chefs-lieux d’arrondissement, de département, et de sauver l’honneur du principe en ajournant la solution définitive à la loi générale sur les municipalités. C’est de la diplomatie parlementaire perfectionnée. La difficulté était toujours cependant de rallier à une combinaison de circonstance, presque de miséricorde, la majorité républicaine, qui s’est si vivement prononcée jusqu’ici pour l’élection des maires, et c’est le rapporteur de la commission, M. Jules Ferry, qui s’est chargé de présenter le protocole. Le ministre de l’intérieur, M. de Marcère, lui est venu en aide avec le dévoûment modeste et résolu d’un homme qui croyait se jeter tête baissée dans le gouffre pour le cabinet. La majorité s’est laissé convaincre, et si elle a cédé, ce n’est pas cependant sans combat et sans résistance. M. Gambetta a brûlé sa poudre pour les dissidens, il a été le commandant en chef de la retraite. Il aurait peut-être bien voulu, lui aussi, suivre le gros de l’armée et se rendre à la nécessité : il a craint sans doute d’étonner un peu trop son parti par la facilité de ses évolutions, et il a montré une fois de plus comment un homme d’esprit et de ressources peut réussir à n’être ni avec ses amis de cœur, les exaltés, ni avec ses amis de raison, les modérés. Il n’a peut-être pas fait une brillante campagne, et, ce qu’il y a de plus curieux, c’est qu’on l’a battu avec ses propres armes, en lui opposant la « politique des résultats » dont il est l’inventeur. La loi a donc été votée telle qu’elle avait été présentée, non toutefois sans un supplément où l’esprit de parti a obtenu une dernière revanche, et qui fait payer, au pays le prix de toutes ces transactions en lui infligeant l’agitation inutile de prochaines élections générales des municipalités. Le ministère a consenti à recevoir le supplément qu’il ne demandait pas, et en définitive il a triomphé. C’est ce qu’il y a de mieux, c’est le « résultat » satisfaisant. Malheureusement un autre « résultat » de cette discussion, c’est d’avoir mis à nu les incompatibilités, les divisions de cette majorité républicaine qui croit pouvoir soutenir un gouvernement comme on fait de l’opposition.

Supposez cependant qu’au milieu des crises intimes dont cette loi municipale a été l’occasion, au spectacle des difficultés qu’éprouvait de