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semble pouvoir marcher avec des fonctionnaires indigènes. Puis les armemens sont poussés avec la plus grande activité : on achète des canons, on fabrique des projectiles, on se met en mesure de tenir tête aux barbares.

Ce n’est peut-être pas dans dix ans qu’on commencera les études du chemin de fer russo-chinois ; mais ce sera probablement avant la fin du siècle. Quand cette route sera tracée à travers l’Asie, et qu’on pourra aller en chemin de fer des bords de la Manche aux rives de la Mer-Jaune, « le tour du monde en 80 jours » nous fera sourire : deux mois suffiront et au-delà pour traverser à toute vapeur l’ancien et le nouveau continent et les deux océans. On fera le tour du globe pour le prix de 3,000 ou 4,000 francs, tandis qu’aujourd’hui il en faut dépenser au moins 10,000. Voici en effet les distances à franchir et le temps que demandera chaque traversée :


Du Havre à New-York 5,630 kilomètres = 12 jours.
De New-York à San-Francisco 5,320 kilomètres = 6 jours.
De San-Francisco à Changhaï 10,730 kilomètres = 24 jours.
De Changhaï au Havre 10,460 kilomètres = 12 jours.
Total 32,140 kilomètres = 54 jours.

On voit que la longueur totale de la route circulaire autour du globe sera, en nombre rond, de 8,000 lieues, — dont on fera 4,000 par terre et 4,000 par mer. Quel que soit d’ailleurs le tracé qu’on préfère pour le chemin de fer de l’Asie centrale, la distance à parcourir pour aller soit de Paris à Calcutta, soit de Paris à Pékin ou à Changhaï, sera toujours d’environ 10,000 kilomètres. Ce trajet serait à la rigueur accompli en dix jours par un train-hôtel marchant à une vitesse moyenne de 42 kilomètres à l’heure, arrêts compris. On adopterait pour ces longs voyages les wagons-dortoirs du système Pullmann, qui sont employés aux États-Unis, et dont on commence déjà à faire usage sur nos lignes du nord. On sait que dans les sleeping-cars les sièges se transforment le soir en couchettes au-dessus desquelles une seconde rangée de lits est formée par des cadres mobiles qui se rabattent. Le train-hôtel proprement dit se compose d’une série de wagons réunis entre eux et communiquant les uns avec les autres par une galerie latérale. Chaque wagon forme une sorte de salon complet avec cabinet de toilette, etc. ; un ou deux sont aménagés en restaurans : ils permettent aux voyageurs de prendre leurs repas sans quitter le train et sans s’exposer aux déceptions des buffets. Dans les intervalles des repas, ils servent de salles de lecture, de jeu ; on y cause, on y fait de la musique, car il y a généralement un piano dans un coin. Un trajet fait dans ces conditions ressemble assez à un voyage en