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des jugement de M. l’abbé David, paraissent parfois un peu optimistes, La Chine, dit M. de Kleczkowskî, a plus de 1,000 lieues ; de côtes, : admirablement arrosée par un immense réseau de fleuves, de rivières et de canaux, elle produit toute sorte de blés et de grains, du riz, des thés, des soies, des laines, du coton, du lin, du chanvre, des sucres, de l’indigo, du tabac. Les montagnes et les plaines regorgent de houille et de toute sorte déminerais. Comme détentrice de numéraire, elle est peut-être le plus riche pays du monde : il suffit, pour s’en convaincre, de supputer les sommes que depuis trente ans l’Occident lui a payées, aux trois cinquièmes comptant, rien que pour ses thés et ses soies. Considérez maintenant les admirables industries de ce peuple, la patience et la ténacité infatigable des ouvriers chinois, leur sobriété, leur frugalité, leur respect pour l’autorité, leur amour de l’ordre et de la paix, et surtout leur contentement dans la peine comme dans la réussite, leur gaîté au milieu du plus dur labeur ; constatez que l’aptitude du Chinois pour le commerce surpasse même celle de l’Anglo-Saxon, et qu’à cette aptitude se joint une scrupuleuse probité, et vous comprendrez ce qu’il couve de force et de puissance dans cette nation de 400 millions d’âmes.

Ceux qui jugent les Chinois d’après les échantillons qu’ils ont vus dans les ponts et sur le littoral, qui les accusent d’indolence, de poltronnerie, de mauvaise foi, et qui pour ces belles raisons dédaignent les relations qui pourraient s’établir avec ce peuple, ceux-là n’ont vu que la surface. Pour ne parler que de cette prétendue mauvaise foi des Célestes, les négocians qui habitent la Chine savent que chez aucun autre peuple les promesses verbales ne sont aussi rigoureusement tenues. « En quel autre pays, demande M. de Kleczkowski, pourrait-on, comme cela se faisait en Chine, même en 1852, confier à des hommes qui ne possédaient rien au monde 500,000 ou 600,000 francs en argent ou en traites, avec mission d’aller dans l’intérieur êtes provinces acheter de village en village, de hameau en hameau, des épices, des sucres, des thés ou des soies ? Où trouverait-on d’aussi nombreux exemples de suicide n’ayant d’autre cause que l’impossibilité d’acquitter aux approches du jour de l’an, — époque à laquelle tous les comptes doivent être absolument liquidés, — des dettes contractées uniquement de vive voix ? » Cette probité commerciale est parfois poussée jusqu’à l’héroïsme, comme le montre un fait qui s’est passé à Canton en 1856, à la veille de L’incendie des factoreries étrangères. Le vice-roi Yé venait de rendre un édit condamnant à la peine de mort tout indigène convaincu d’entretenir le moindre rapport avec les « barbares » qui étaient alors en guerre avec la Chine. Les Français, les Anglais