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contre les attaques des Indiens. Ces difficultés n’ont pas arrêté les Américains, et le chemin de fer du Pacifique a été achevé en moins de cinq ans. Le grand Central-Asiatique sera loin de rencontrer de pareils obstacles, et il sera assuré d’un trafic autrement considérable, car il réunira l’Europe et l’Inde, peuplées ensemble de 500 millions d’habitans et sillonnées de plus de 100,000 kilomètres de voies ferrées.

M. Cotard a essayé d’évaluer d’une part les dépenses d’établissement et de l’autre les revenus immédiats et certains de cette grande route internationale. En estimant le coût de la portion facile, d’Orenbourg à Tachkend, à 150,000 francs le kilomètre, on arrive à un total de 300 millions pour 2,000 kilomètres. Pour la section moyenne de 1,000 kilomètres, il faut compter 200,000 francs, et pour la dernière section, qui a 800 kilomètres, 375,000 francs par kilomètre, ce qui donne respectivement 200 et 300 millions, soit 800 millions pour la ligne entière. En supposant que la ligne soit achevée en moins de huit ans, et en ajoutant au capital les intérêts pendant la moitié de ce temps, on arrive à une dépense totale inférieure à 1 milliard, correspondant à un coût kilométrique d’environ 265,000 francs.

Cette évaluation sommaire des frais d’établissement peut suffire pour le calcul du produit probable de la ligne. Pour avoir d’abord une idée du transit sur lequel on pourra compter, prenons comme base avec M. Cotard les chiffres fournis par le canal de Suez. Il passe aujourd’hui par le canal 80,000 voyageurs par an, dont 60,000 vont aux Indes ou au-delà, et leur nombre augmente chaque année de 5,000. Le voyage de Paris à Calcutta par Marseille demande trente-deux jours et coûte 1,620 francs ; par la voie la plus rapide, c’est-à-dire par Brindisi, le trajet est de vingt-trois jours et coûte 2,200 francs. Par le Central-Asiatique, nous dit M. Cotard, on ira de Paris à Calcutta en onze jours au plus, moyennant une dépense de 1,500 francs. La même économie de temps et d’argent s’appliquera aux voyages au-delà des Indes, qui se continueront par mer à partir de Calcutta. La sécurité et la régularité plus grande des voyages par chemin de fer suffiraient d’ailleurs pour attirer au Central-Asiatique une nombreuse clientèle, que M. Cotard croit pouvoir évaluer à 100,000 voyageurs par an dès l’ouverture de la ligue, et qui donnerait une recette kilométrique d’au moins 11,000 francs. En faisant un calcul semblable pour le mouvement des marchandises, on arrive au chiffre de 30,000 francs pour la recette brute de transit, et, en y ajoutant 10,000 francs pour le trafic du parcours intermédiaire de l’Asie centrale, on obtient un produit kilométrique total de 40,000 francs, dont le bénéfice net pourra être d’environ 20,000 francs. C’est, pour la ligne