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capable de plus qu’il n’a fait ; il l’a dit aussi à Canning, qui ne voulait pas le croire. » Il est à peine nécessaire de dire que Palmerston prit le parti des constitutionnels portugais. Par les ordres du duc de Wellington, deux frégates anglaises avaient empêché une escadre portugaise, armée en Angleterre, de débarquer à Terceire pour défendre l’île contre une expédition miguéliste. Palmerston dénonça cet acte comme une odieuse complaisance pour la cause absolutiste, qui semblait alors triomphante en Europe.

Il alla peu après à Paris, comme s’il eût le pressentiment des grands événemens qui s’y préparaient. Il se réjouit des progrès de la cause constitutionnelle en France, mais il ouvre surtout l’oreille à tous ceux qui lui parlent de la politique extérieure. « L’administration actuelle (lettre du 10 janvier 1829) est très russe, mais le sentiment français grandit chez les hommes publics et les pousse à reconquérir les provinces situées entre la frontière du nord et le Rhin, la Belgique et une partie du territoire prussien. Les ultralibéraux disent qu’ils donneraient leur appui à tout ministre qui reprendrait ces provinces, et Pozzo di Borgo donne eh secret à la France l’assurance que, si dans une guerre générale elle se met du côté de la Russie, on l’aidera à les obtenir. » Palmerston vit Pasquier, Casimir Perier, Benjamin Constant, Royer-Collard, le baron Louis Sébastiani, « un fat, un important, » lui parla « avec franchise. » C’était grand’pitié que les partis et les gouvernemens en Angleterre ne comprissent rien aux besoins de la France. Il était essentiel, indispensable, que la France reprît le Rhin pour sa frontière. On donnerait à la Prusse des morceaux de l’Autriche, la Saxe, le Hanovre. Palmerston exprima le doute qu’il se trouvât jamais en Angleterre un parti assez intelligent pour comprendre les choses de cette façon. Il mit les confidences de Sébastiani dans son carquois diplomatique. Pour Talleyrand, qui était peu candide, il n’en put rien tirer.

Palmerston juge sainement l’état des partis en France : « Certains royalistes qu’on rencontre dans le monde parlent comme des imbéciles et des fous ; il nous faut de la force, d’abord de la force, et puis on peut être raisonnable à plaisir. » Il montre le roi, qui « fronce les sourcils et serre le poing, et parle de ce qu’il fera à pied et à cheval, et dit que la première révolution était l’enfant de la faiblesse de Louis XVI, et que la seconde ne serait pas engendrée par la faiblesse de Charles X ; » il voit dans Polignac l’homme qui sera choisi pour les mesures violentes, et ne croit guère au succès de ces mesures. « Si le roi était appuyé par un ministère courageux, résolu aux coups de désespoir, assez fou pour affronter la tempête du sentiment national, le résultat serait probablement le changement du nom de l’habitant des Tuileries : on inviterait le duc d’Orléans à