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service à l’état… Ce que nous avons perdu par ce système, nul ne peut le savoir ; ce que nous pouvons perdre encore, nul ne peut l’imaginer. Si, par le hasard de la naissance ou de l’éducation, un Nelson, un Wellington, un Burke, un Fox, un Pitt, eût appartenu à cette classe de la communauté, de quels honneurs et de quelle gloire l’histoire de la Bretagne n’eût-elle pas été privée ? »

Ces paroles montrent comment lord Palmerston comprenait et défendait l’égalité ; son éloquence n’a jamais de bonds, de saillies vers les abstractions, elle reste sur le sol anglais. Il n’a pas pour d’être injuste, il a pour que l’Angleterre ne perde quelque chose en excluant du parlement, de l’administration, de l’armée, des gens « titrés et riches. »

C’était assez pourtant pour déplaire au gros du parti tory. Lord Liverpool essaya, mais en vain, de se défaire de lord Palmerston en l’envoyant dans l’Inde comme gouverneur-général, ou en l’embaumant dans la chambre des lords. Il refusa, voulant faire son chemin dans les communes : en 1825, il y eut des élections, et il fut nommé encore une fois à Cambridge, mais il dut se battre en quelque sorte tout seul. « Je me jetai dans les bras de mes ennemis politiques, les whigs, pour me défendre contre mes amis politiques, les tories. » Il se plaignit à lord Liverpool, au duc de Wellington et à Canning des attaques dont il avait été l’objet, bien que la question de l’émancipation catholique eût été directement réservée, chaque membre du cabinet pouvant prendre parti comme il l’entendait. Il avait déclaré à lord Liverpool que, s’il était battu, il sortirait du ministère. « Ce fut, écrivait-il, le premier pas décidé vers une rupture entre les tories et moi, et ils furent les agresseurs. »

Palmerston aimait la lutte, il avait du sang ; il se plaît à la guerre des catholiques et des anti-catholiques. « La bataille continue, et nos gens vont en tout sens comme une meute indisciplinée ; je puis pardonner à des vieilles femmes comme le chancelier, à des niais (spoonies) comme Liverpool, à des ignoramus comme Weslmoreland, à de vieux tories fourbus comme Bathurst ; mais comment un homme tel que Peel, libéral, intelligent, d’esprit frais, se trouve courir dans une telle meute, voilà qui me semble difficile à comprendre. Il doit regretter dans son cœur ces premières promesses, ces préjugés juvéniles, qui l’ont lié à des opinions si différentes de ses vues larges sur les affaires publiques. Mais le jour approche, il me semble, où cette question sera résolue comme elle doit l’être… Les jours de la tyrannie protestante sont comptés. » (Lettre à son frère William Temple, 21 octobre 1826.)

Le roi Georges IV, qui avait épousé la passion protestante de George III et du duc d’York, n’aimait pas lord Palmerston. Quand