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d’enseignement, c’est-à-dire une liberté comme les autres, un exercice indépendant de l’activité individuelle, en dehors de la tutelle et de l’omnipotence de l’état. Cette liberté, comme toutes les libertés, a ses inconvéniens ; elle a aussi ses avantages : elle peut être un principe de concurrence généreuse ; elle peut être un ressort pour l’initiative individuelle et, comme on dit, un refuge ouvert à la liberté des méthodes. Enfin tout est tranché par ce dernier mot : c’est un droit. C’est donc au nom des droits de l’homme et du citoyen, au nom des principes de 89 que l’état accorde la liberté d’enseignement. Ainsi compris, il est manifeste que la liberté d’enseignement n’entraîne en aucune façon la liberté des grades : on peut même dire qu’elle l’exclut, car enseigner est un acte privé, conférer des grades professionnels est une fonction publique.

Les adversaires se placent à un tout autre point de vue. Il ne s’agit pas pour eux du droit naturel d’enseigner sous certaines conditions, droit inhérent à tout homme aussi bien que le droit de guérir ou le droit de plaider. Il s’agit d’un autre droit, antérieur et supérieur aux droits humains, le droit catholique. L’église a éminemment, et par institution divine, le droit d’enseigner, et même elle l’a seule. A elle seule appartient le gouvernement du monde moral. L’enseignement de l’état n’est lui-même qu’une usurpation ; un enseignement laïque équivaut à un enseignement athée. Ce n’est pas le monopole de l’université qui est en question, c’est son existence même. Sans doute, dans l’état actuel des choses, on se contenterait de la liberté ; mais il y a mieux que cela. Le premier point, c’est d’entrer dans l’état : le reste viendra plus tard. Or par l’institution des jurys mixtes on entre dans l’état ; on compromet l’état dans les affaires des universités catholiques. Les deux puissances tendent à se confondre, ce qui a toujours été le rêve du parti ultramontain.

Il n’y a donc pas le moindre doute que la question, telle qu’elle est engagée, ne soit la lutte entre l’état laïque et l’état chrétien. Avoir la clef des carrières peut paraître au premier abord un moyen bien humble et bien modeste pour les disciples de Joseph de Maistre et les apologistes de Grégoire VII ; aussi ont-ils eu bien soin de nous avertir que ce n’était qu’une « transaction ; » mais on sait que rien n’est à dédaigner pour les habiles. Tenir les intérêts positifs à sa disposition, faire des avocats et des médecins au même titre que l’état lui-même, fournir des candidats à la magistrature, de même que l’état, et le tout sans contrôle, c’est là un moyen d’influence dont on ne peut contester l’efficacité. Qui verrait là autre chose qu’un partage de la puissance publique ?

Nous comprenons que dans le débordement de folies