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avocat. Or la profession d’avocat a sa sanction : c’est le succès. Un mauvais avocat ne trouve pas de plaideurs, car nul n’est tenté de perdre son procès ; l’avocat ignorant, paresseux et incapable est bien vite connu comme tel. Il n’en est pas de même dans la magistrature, où un juge incapable est juge pour toujours et ne peut être déplacé : bien plus, avec les habitudes de faveur qui dominent beaucoup trop dans toutes nos administrations publiques, il peut comme un autre, s’il est bien apparenté, faire son chemin. On a donc pensé qu’il y aurait lieu à élever le niveau des conditions de capacité des carrières judiciaires, et ce serait évidemment l’intérêt de l’état. Est-ce donc le cas au contraire d’abaisser ce niveau en ouvrant la carrière à des diplômes inconnus, d’une valeur aléatoire, dont l’état ne peut en aucune façon accepter la responsabilité, puisque les corps qui les dispensent sont indépendans ?

Supposez en effet que telle faculté de l’état laisse un instant fléchir le niveau. L’état le sait aussitôt ; il sait, par la comparaison avec les autres facultés, que l’on penche ici ou là beaucoup trop du côté de l’indulgence. Il peut, par un avertissement soit bienveillant, soit sévère, ramener la faculté complaisante à ses devoirs. De plus les facultés de l’état n’ont aucun intérêt à cet excès de complaisance, et si les droits pécuniaires d’examen ont pu fournir quelquefois un prétexte à des soupçons de ce genre, ce prétexte a disparu depuis la sage mesure qui a consolidé pour toutes les facultés de l’état l’éventuel des examens et en a fait un traitement fixe. Enfin l’état même alors n’était pas sans moyen d’action en cas d’abus. De même, si l’enseignement faiblit dans une faculté, ce qui peut arriver accidentellement, l’état en est averti immédiatement par ses agens, et il est armé de toutes sortes de moyens de remédier au mal dès qu’il se déclare. Supposons au contraire que les mêmes faits se présentent dans les facultés libres, quel recours l’état peut-il avoir ? Comment peut-il y relever l’enseignement et exiger des examens plus sévères ? Si même il s’établissait des facultés qui n’auraient pour but que de donner des diplômes, comment pourrait-il l’empêcher ? et ne serait-il pas obligé d’accepter également les grades, de quelque côté qu’ils vinssent ?

Il y a plus, et ceux qui demandent la liberté des grades ne voient pas qu’ils réclament une arme à deux tranchans, qui peut aussi bien tourner contre eux que pour eux. Sans doute, tant que l’administration de l’état sera entre des mains impartiales, les grades décernés par les facultés libres seront pour celles-ci et pour leurs cliens un avantage, car, une fois le principe admis, on ne fera plus de distinction entre les grades, et l’état n’aura pas à s’enquérir de leur origine. On peut même imaginer tel cas où, le gouvernement