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aura plus alors d’autre responsabilité que celle des individus ; mais tant qu’il y aura des conditions exigées par l’état pour l’exercice de cette profession, ces conditions doivent être telles que l’état puisse juger de leur valeur, et c’est ce qu’il ne peut faire que pour ses propres établissemens. Comment serait-il responsable en effet de conditions et de garanties qui n’émaneraient pas de lui ?

Ce qui est une conséquence nécessaire et incontestée du droit d’enseigner, c’est le droit d’interroger, de s’assurer que les élèves ont suivi le cours, l’ont bien compris, s’en sont assimilé la substance : c’est le droit de donner des notes, des prix, des certificats. C’est encore, si l’on veut, le droit d’examiner d’une manière plus solennelle à certaines époques ou même à la fin de l’année, et en conséquence de décerner aux jeunes gens un témoignage plus ou moins public de leur capacité et de leur valeur. Rien n’empêchera par exemple les professeurs de déclarer, à la fin d’une première année, que tels élèves ont une capacité égale à celle d’un bachelier, l’année suivante à celle d’un licencié, l’année suivante à celle d’un docteur. Ces certificats pourront être appelés des diplômes, si l’on veut, et même, si l’on veut encore, être rédigés sur parchemin, etc. Voilà en effet des conséquences légitimes de la liberté d’enseignement, si légitimes même qu’elles n’ont pas besoin d’être insérées dans la loi, tant elles naissent de la nature des choses. Même aujourd’hui où la loi n’existe pas encore, il y a des établissemens qui décernent des diplômes de ce genre : par exemple, l’École libre des sciences politiques fait passer tous les ans des examens à ses élèves, et leur donne un témoignage de capacité qu’elle appelle diplôme ; seulement ces diplômes ne donnent aucun droit à être préfet ou sous-préfet. Du temps où l’École centrale était un établissement privé, elle donnait des diplômes de ce genre, qui n’en étaient pas moins recherchés, quoique ne conférant aucun titre légal, et aujourd’hui encore, devenue établissement de l’état, elle continue à délivrer des diplômes qui légalement n’ont aucune utilité, et qui ont cependant une très grande valeur morale : ainsi en est-il des diplômes donnés aux élèves libres de l’École des mines, qui ne leur ouvrent aucune carrière de l’état, mais qui n’en ont pas moins leur prix pour cela. On voit par là très clairement la différence qu’il y a entre la capacité scientifique et la capacité professionnelle : la première est évidemment du ressort de tout corps enseignant libre ou non, la seconde est du ressort exclusif de l’état.

Même les facultés de l’état, considérées comme corps enseignans, n’ont pas, sous ce rapport, un droit essentiel de plus que les facultés libres, et si leurs diplômes ont une valeur légale, c’est seulement en vertu d’un acte de confiance de la part de l’état, qui les