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personnel, les congrégations religieuses fournissent pour les filles un personnel beaucoup plus abondant que pour les garçons, ce qui permet de multiplier les orphelinats pour les filles.

Un ouvrage de cette nature, qui ne prétend qu’à être une nomenclature intelligente, demeure toujours forcément incomplet. M. Lecour le sait, et il est le premier à le dire. Il est cependant une omission que je serais assez tenté de lui reprocher, parce qu’elle est de sa part, je le soupçonne du moins, un peu volontaire. C’est celle de la charité qui est pratiquée par la préfecture de police elle-même. Cette grande institution, si souvent attaquée dans notre pays comme tout ce qui a une forte existence, exerce sous ce rapport des attributions peu connues. A côté de son action politique, qui sera toujours critiquée parce qu’elle s’inspire nécessairement de l’esprit du gouvernement dont elle est l’instrument, à côté de la surveillance qu’elle exerce dans l’intérêt de la sûreté publique, la préfecture de police se trouve investie par la force même des choses d’une mission d’assistance et d’une sorte de protectorat vis-à-vis d’infortunes accidentelles qui échappent à toute classification et à toute catégorie précise. « Ce sont, disait devant la commission d’enquête des établissemens pénitentiaires un fonctionnaire éminent de la préfecture de police, ce sont des nécessiteux de toute sorte attirés à Paris par un espoir d’assistance, des étrangers pour lesquels il faut demander l’appui de leurs légations, des ouvriers sans ressource en quête de travail, des enfans indigens et orphelins, trop âgés pour pouvoir obtenir la tutelle de l’assistance publique, des découragés ou des exaltés arrachés au suicide, des filles-mères ayant leurs enfans et des filles enceintes ne pouvant ni se placer ni travailler, des femmes délaissées, recherchant leurs maris ou leurs familles, des pauvres d’intelligence imprévoyans, déclassés, venus de tous les points de la France, des plaideurs malheureux, réclamans obstinés, voulant personnellement recourir à l’autorité suprême, des émigrans à rapatrier, des solliciteurs indigens demandant un asile, un secours, une place, une pension, des inventeurs quasi aliénés, des gens éperdus ayant quitté leur pays, leurs familles par un coup de tête et ne voulant plus retourner en arrière, des indigens atteints d’infirmités incurables, venus à Paris pour chercher des secours efficaces ou dont les départemens se débarrassent, des vieillards sans asile et sans ressource à diriger sur un dépôt de mendicité, des malades refusés par les hôpitaux, etc.

Telle est la population en présence de laquelle la préfecture de police se trouve placée tous les jours, par le seul fait des arrestations quotidiennes de ses agens. Les traduire en justice serait inhumain ou inutile ; les rendre sur-le-champ à la liberté serait les replacer dans une situation identique à celle qui les a fait tomber entre les mains de la police. La préfecture de police les conserve alors sous sa main