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Le résultat de ses recherches l’a conduit à penser que la charité française n’est ni moins active, ni moins industrieuse, ni moins persévérante, et qu’une seule différence la sépare de la charité anglaise, c’est qu’elle fait moins volontiers usage des moyens de publicité, c’est qu’elle est moins ostensible et plus silencieuse. Sur le fond des choses, et sans entrer ici dans le détail d’une comparaison qui serait longue, j’incline plutôt à penser comme M. Lecour ; mais j’avoue ne pas être aussi sévère que lui pour l’usage, pour l’abus, si l’on veut, que nos voisins font de la réclame en matière de charité. Sans doute la charité individuelle doit être discrète et modeste ; mais en est-il de même de la charité collective, et cette discrétion, cette modestie, ne tourneraient-elles pas un peu contre le but que la charité se propose ? Si on ne voyait par exemple écrit en grosses lettres sur les murailles de certains hôpitaux de Londres (ce qui paraît scandaliser M. Lecour) fondé par des souscriptions volontaires, les offrandes tomberaient-elles aussi abondantes dans le tronc qui est à la porte de ces hôpitaux ? Je pourrais citer un autre exemple que j’emprunterai à la France. Il existe à la préfecture de police une triste salle, sorte d’antichambre réservée aux créatures dégradées qui viennent satisfaire aux exigences administratives de la vie à laquelle elles se sont condamnées : inscription ou (trop rarement) radiation sur les registres de la préfecture, comparution pour infractions aux règlemens de leur profession, etc. Les murailles de cette antichambre sont tapissés d’ordonnances de police, de prescriptions, de recommandations dont on veut qu’elles se pénètrent et sur lesquelles durant une attente souvent longue, se promènent leurs yeux distraits. Si pareille salle existait dans un établissement public en Angleterre, on lirait assurément aussi sur ces mêmes murailles un appel adressé à ces malheureuses au nom de la religion, et l’indication des asiles charitables où elles pourraient trouver un refuge. A Paris, la charité a ouvert un grand nombre d’asiles de ce genre, peu ou point connus souvent de celles-là même qu’on voudrait y attirer. La pensée n’est point venue cependant pour arriver jusqu’à elles de mettre en usage ce procédé simple et restreint de publicité, devant lequel en Angleterre on n’aurait pas reculé. Cet appel, qu’à l’heure d’une décision fatale et souvent irrévocable le vice se verrait adressé par la charité, serait peut-être entendu de quelques-unes, et un peu de réclame apparente trouverait ici sa justification dans son utilité.

Cette obscurité où vivent en France beaucoup d’œuvres de charité donne un attrait de plus au livre de M. Lecour, puisque ce livre a précisément pour but de nous les faire connaître et de nous montrer combien l’organisation de la charité à Paris est, on ne saurait dire complète, mais ingénieuse et prévoyante. L’ouvrage de M. Lecour n’est qu’un manuel, mais un manuel écrit par un homme de cœur, familier avec tous les secrets et avec tous les remèdes de la misère. Il a mesuré