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mencé par un programme de pacification auquel le comte Andrassy a donné son nom, que les autres puissances de l’Occident ont été invitées à soutenir de leurs conseils au camp des insurgés, aussi bien qu’à Constantinople. Ce que l’alliance des trois empereurs a proposé, les autres cabinets l’ont soutenu, quoique sans illusion ; le gouvernement ottoman l’a accepté, l’insurrection l’a repoussé, et la note Andrassy est restée une démonstration vaine. C’est le premier acte. Ici tout s’est rapidement aggravé, l’imprévu a commencé à se mettre de la partie. Les puissances du nord, déçues dans leur première tentative médiatrice, ont voulu reprendre leur œuvre en accentuant l’intervention européenne ; elles ont préparé, toujours séparément, cet acte qui s’est appelé le « mémorandum de Berlin, » et qui devait, comme la note Andrassy, être soumis à l’acceptation des autres gouvernemens. Les trois chanceliers réunis à Berlin en avaient décidé ainsi, ils avaient fixé ensemble le programme de la nouvelle campagne diplomatique en Orient. On était en plein mois de mai. C’est alors que la situation a brusquement changé de face et s’est étrangement compliquée. D’abord l’Angleterre, qui n’avait point été consultée, refusait assez rudement d’adhérer à l’œuvre de Berlin, et au même instant éclatait à Constantinople une révolution qui, en changeant le souverain, était peut-être le signal de l’avènement d’une politique nouvelle qui dans tous les cas, par une certaine coïncidence avec les résolutions de l’Angleterre, était de nature à neutraliser ou à suspendre momentanément l’action diplomatique de l’Europe. Toutes les conditions se sont trouvées profondément modifiées : c’est le second acte du drame.

Quelle influence réelle pouvait avoir cette révolution de Constantinople sur l’ensemble des affaires de l’Orient et sur les relations, sur les déterminations nouvelles des puissances surprises par cette soudaine péripétie ? Devait-elle précipiter la crise définitive, cette crise qui semble toujours près d’éclater, ou offrir des facilités de négociation et de pacification ? C’était là désormais le point grave. Jusqu’ici sans doute on ne peut pas dire que la révolution turque se présente sous un jour bien rassurant et qu’elle ait servi beaucoup à simplifier la situation. Elle ne s’est manifestée encore que par des scènes sanglantes, des meurtres, des agitations, et tous les symptômes menaçans d’une certaine anarchie des esprits ou d’une violente lutte d’influences au sein même du gouvernement. Après la déposition du dernier sultan est venue sa mort mystérieuse, aussi tragique que mystérieuse. Après la lugubre disparition d’Abdul-Azis est venu cet attentat furieux accompli par un officier circassien qui a pu pénétrer jusque dans le conseil des ministres, s’acharner sur le séraskier Hussein-Avni-Pacha, tuer le ministre des affaires étrangères, Rachid-Pacha, blesser le ministre de la marine, semer la mort autour de lui ; Que le Circassien Hassan, auteur de tous ces crimes,