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paix. Il a le droit de requérir la force armée lorsqu’il agit au lieu et place du procureur de la république, il peut faire des visites domiciliaires et autres actes qui sont de la compétence de ce magistrat. Voilà pour les attributions générales. Faut-il maintenant énumérer les attributions de détail que des lois spéciales ont conférées au maire ? Ce serait énumérer presque toutes les lois qui se sont succédé depuis 1790 jusqu’à nos jours. Il en est cependant qu’on ne peut passer sous silence, ce sont les lois si importantes sur le recrutement et la mobilisation de l’armée, sur les réquisitions militaires. Toutes les fois que le législateur a besoin d’atteindre la commune, et que dans cette commune il n’y a pas d’agent de l’état, il est bien forcé de se servir du maire et de s’en reposer sur lui du soin de faire exécuter la loi.

De ces attributions respectives, et bien rarement opposées, quelles sont les principales ? On a beaucoup discuté pour savoir si ce sont les premières qui priment les secondes, ou si au contraire ce sont les secondes qui l’emportent sur les premières. Au fond, elles présentent, de part et d’autre, une grande importance, et, comme la vérité n’est bien évidente ni dans un sens ni dans l’autre, nous comprenons qu’on se divise sur ce point. Quant à nous, peut-être mettrions-nous un plus grand prix aux fonctions que le maire tient de l’état qu’à celles qu’il exerce au nom de la commune ; mais il y a une chose à laquelle on ne prend pas suffisamment garde. On groupe d’un côté les attributions du représentant de la commune, on réunit de l’autre les attributions de l’agent de l’état, on les met respectivement en balance et on les pèse ; et l’on croit que tout est dit. C’est ne voir qu’un côté de la question. Au fond, l’état n’est-il pas toujours en cause ? Est-il indifférent à l’état que la moindre commune de France jouisse ou ne jouisse pas d’une bonne police municipale, d’une bonne police rurale ? Peut-il se désintéresser de la façon dont on administre les intérêts purement communaux, et de la manière dont on fait emploi des ressources municipales ? Ces mille détails de la vie locale qui cachent souvent tant d’abus, tant d’excès de pouvoir, doit-il les dédaigner, doit-il les ignorer ? Ce n’est pas tout. On ne remarque pas que le maire n’est pas seulement un administrateur et un magistrat, qu’il est aussi un agent d’information. Le gouvernement a besoin d’être renseigné sur ce qui se passe dans les trente-six mille communes de France, il ne peut être exactement informé que par un agent qui réside sur les lieux ; si le maire lui manquait, ou s’il ne pouvait placer en lui sa confiance, il serait fort embarrassé. Les commissaires cantonaux et les gendarmes fortifient l’action et la surveillance du maire, mais ils ne la suppléent pas. — Pour toutes ces raisons, l’état est certainement bien plus intéressé que la commune à ce que le maire soit bien choisi.