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donnaient lieu à un chiffre considérable d’affaires. Il y affluait des marchands des contrées les plus éloignées. Le commerce maritime tendait à sortir de l’enfance où il était demeuré durant des siècles, et cela était du surtout aux croisades. Non-seulement la marine s’était fort développée dans nos ports de la Méditerranée, mais il nous arrivait par l’Océan, dès le commencement du XIVe siècle, des bâtimens chargés de denrées de toute sorte. Rouen entretenait un commerce incessant avec les îles britanniques et envoyait ses navires dans les ports de la Saintonge, de la Guienne, de l’Espagne et du Portugal, même de l’Italie. La France d’alors se mettait à avoir des flottes, et des nefs venues du nord, sorties des villes hanséatiques, nous apportaient de quoi les gréer et les approvisionner. A partir de Philippe le Hardi, nos rois s’efforcèrent d’attirer les marchands étrangers, en leur accordant de nouveaux privilèges ; ils prirent des mesures pour la protection de la navigation ; ayant grand besoin d’argent, ils favorisèrent les échanges et l’industrie, qui devenaient pour leur trésor, par suite des taxes dont la vente et l’introduction des denrées étaient frappées, une source abondante de revenus.

La condition des classes laborieuses ne pouvait manquer de gagner à cet état de choses ; en diverses régions de la France elle semble, sous le rapport matériel, s’être sensiblement améliorée, et il en était de même pour les bourgeois. Dès le XIIIe siècle, les habitations de ceux-ci, aussi bien que les demeures des nobles, l’emportaient sur celles des Italiens par la commodité et l’agrément, ainsi que l’observe Brunetto Latini. Dans les villages, les demeures étaient sans doute beaucoup plus humbles, et la construction en restait chétive. C’étaient généralement des masures faites d’argile ou de torchis, ou qui avaient en guise de murs des treillis de lattes dont les interstices étaient bouchées par de la paille ou du foin. Ces chaumières étaient mal closes et mal éclairées. La porte, qui constituait souvent la seule ouverture par laquelle la lumière pût pénétrer, n’avait d’ordinaire ni loquet, ni serrure ; elle se fermait avec une cheville de bois ou avec des bûchettes. Rarement on voyait des vitres aux fenêtres, qui n’avaient que des vantaux, ou dont les carreaux étaient remplacés, soit par de la toile cirée, soit par du parchemin ; mais de la construction misérable de ces maisons il ne faudrait pas conclure que les campagnards au XIVe siècle vécussent comme des animaux ou des sauvages. Leur mobilier était déjà à peu près celui qu’on rencontrait dans nos villages il y a soixante ans. Loin de coucher sur la paille comme des prisonniers, maints paysans avaient des matelas ou des lits de plumes avec des couvertures, soit de serge grossière, soit de tiretaine. Il est même parfois question, dans les documens contemporains, de certains meubles, de certaines pièces de vaisselle, qui dénotent chez ces paysans plus que la possession du nécessaire : ce