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sans peine, tant la cavité buccale possède la ressource démoduler les dispositions. Il y a encore les intonations nasales dont la langue française offre une désespérante richesse, qui se produisent par l’abaissement du voile du palais[1]. Rien n’empêcherait, dit le célèbre linguiste d’Oxford, M. Max Müller, que le langage se composât entièrement de voyelles[2] ; des dialectes de la Polynésie en fournissent presque l’exemple. De l’exemple est sortie la croyance que la parole primitive est peu articulée, mais les philologues s’accordent aujourd’hui à reconnaître dans ces pauvres idiomes une dégénérescence survenue chez des peuples qui n’ont pas le goût de varier les sons ; une manière de parler trop nonchalante fit perdre l’usage des consonnes qui étaient employées à l’origine.

Dans la plupart des langues il existe des aspirations plus ou moins rudes. Peu nombreuses et assez faibles en français, elles sont fréquentes et assez fortes dans la langue allemande, particulièrement énergiques en arabe[3]. L’aspiration exige le concours de la glotte ; un instant l’orifice se réduit, l’air arrêté par l’obstacle, s’écoulant par une fente étroite, donne le bruit d’un frôlement contre les lèvres vocales. En même temps, le larynx en entier s’élève ; les joues et le voile du palais tremblent. Sourde dans les langues européennes, l’aspiration devient parfois sonore dans les langues sémitiques[4]. Les sons gutturaux des Arabes étaient le sujet de graves discussions entre les linguistes ; aux controverses Czermack ferma la carrière. Le savant physiologiste ayant fait la rencontre d’un Arabe mit à profit l’occasion pour examiner à l’aide du laryngoscope l’organe capable de rendre une aspiration sonore. Tout fut éclairci : tandis que l’épiglotte s’abaisse, les lèvres vocales se pressent l’une contre l’autre ; l’orifice absolument fermé, le courant d’air heurté contre la voûte détermine une vibration sous l’épiglotte dans la fissure laryngienne.

Les sons engendrés dans la cavité buccale se brisent à l’encontre d’obstacles ; alors naissent les bruits qu’on appelle les consonnes. Quand il s’agit de créer les obstacles, la langue, les dents, les lèvres, le voile du palais interviennent pour une part plus ou moins importante. Aussi on distingue volontiers les consonnes labiales, linguales, dentales, nasales. Nulle classification cependant ne résiste à une sévère analyse ; le jeu simultané des dents et de la langue, des lèvres, de la langue et du voile du palais, le caractère un peu incertain de quelques sons permettent de définir et de

  1. In, an, on, un.
  2. Lectures on the Science of language, London 1864.
  3. L’aspiration, l’esprit rude des Grecs, s’exprime par notre h aspiré.
  4. C’est l’aïn des Arabes.