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qu’elle ait au contraire, c’est de se régulariser en s’adaptant aux traditions et aux mœurs du pays, en évitant les agitations et les bouleversemens incessans des lois et des institutions.

Évidemment il ne faut pas tomber, de l’autre côté, dans l’immobilité ; il faudrait tâcher de vivre en gens sérieux qui ne s’attachent qu’aux réformes nécessaires, mais qui les accomplissent mûrement, sans esprit de réaction d’aucune sorte, sans livrer les questions les plus graves de l’organisation publique aux passions exclusives des partis. C’est en restant dans cette mesure que M. le ministre de l’instruction publique a pu proposer une modification de la loi sur la liberté de l’enseignement supérieur sans paraître céder à une réaction de circonstance. Le seul point délicat, c’est que la loi est d’hier, de la fin de 1875, et qu’on ne touche pas à une loi d’hier qui n’a pas même été expérimentée. Après tout cependant, cette question de la collation des grades, même après la solution consacrée par la dernière loi, même après la création d’un jury mixte d’examen, était restée au moins fort incertaine ; elle n’a cessé de peser sur bien des esprits réfléchis qui ne sont pas des révolutionnaires, qui sont restés persuadés que l’état ne devait pas se dessaisir du droit de conférer les grades. Le dernier ministre de l’instruction publique avait abandonné à demi ce droit, le nouveau ministre l’a reconquis au moins dans la chambre des députés, qui seule s’est prononcée jusqu’ici : on ne peut pas dire que ce soit une victoire de parti. Le mérite du discours par lequel M. Waddington a défendu sa loi avec l’éloquence de la raison a été au contraire de relever justement et habilement la question, de la placer au-dessus des passions des partis, de la dégager de toute apparence de représailles ou de réaction. En réalité, la liberté de l’enseignement supérieur reste entière, telle qu’elle a été consacrée ; l’état retrouve ou plutôt garde uniquement la collation des grades, et ce droit il doit l’exercer, cela est de toute évidence, avec une impartialité complète, non dans l’intérêt d’une opinion ou d’une doctrine, mais comme le représentant invariable, permanent et supérieur de la société civile.

Celui qui dirige aujourd’hui l’enseignement en France et qui en a parlé avec une gravité éloquente, en homme désireux de favoriser toutes les émulations généreuses, M. Waddington, peut retrouver dans son ministère la trace d’un de ses plus glorieux prédécesseurs, de M. Guizot, dont le nom retentissait récemment encore à l’Académie française, le jour où un savant de premier ordre, M. Dumas, était reçu par M. Saint-René Taillandier. M. Guizot a été sans doute dans sa grande et longue carrière plus qu’un ministre de l’instruction publique ordinaire ; il a même été, si l’on veut, plus qu’un politique. Il a été un penseur éminent, un grand professeur, un homme qui a servi la cause libérale en France, moins peut-être par ses doctrines que par l’indépendance