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lorsqu’elles vibrent en totalité ou seulement au bord libre. Cagniard de Latour imagina de construire des larynx artificiels avec des anches membraneuses. Le physiologiste Jean Müller, après des recherchés très variées, demeura persuadé que « l’organe vocal est une anche à deux lèvres dont les vibrations sont la cause principale du son, — la hauteur se trouvant déterminée par la largeur et par la longueur de l’orifice de la glotte. » Longet, en multipliant les expériences sur l’action des muscles de l’organe vocal, éclaira d’un nouveau jour les circonstances propres à modifier les vibrations. En résumé, après les études des investigateurs qui n’avaient jamais vu le larynx d’un homme vivant, un fait capital était mis hors de doute. On pouvait dire en toute certitude : la voix se forme dans la glotte ; les preuves sont concluantes, car, si une ouverture est pratiquée dans la trachée-artère, la voix cesse ; elle reparaît lorsqu’on bouche l’ouverture, elle persiste malgré des déchirures aux parties supérieures du larynx, elle est abolie par la lésion des nerfs dévolus aux petits muscles, qui changent la configuration de la glotte et tendent les lèvres vocales.

À côté de vérités désormais incontestables, combien de questions encore, demeurant indécises, venaient exciter l’amour de la recherche ! La pensée de découvrir un moyen de voir le larynx agissant dans la plénitude de ses facultés obsédait certains investigateurs. L’idée de l’observation directe était inséparable de l’espoir d’obtenir quelque brillant succès et de montrer en défaut l’esprit le plus ingénieux, le plus pénétrant, qui, d’après de simples indices, s’est appliqué à rendre compte des opérations d’un mécanisme compliqué. L’idée s’annonça dès la fin du siècle dernier ; médecins et chirurgiens se préoccupaient de la reconnaissance des affections de l’appareil vocal. On recourut aux miroirs, mais les premières tentatives n’amenèrent pas de résultats dignes de sérieuse attention. Durant une cinquantaine d’années, on ne constate que des essais malheureux ; la prétention d’examiner l’intérieur d’un larynx vivant commençait à paraître une chimère. Tout à coup une inspiration surgit dans la tête, d’un maître de chant dont le nom réveille chez de vieux amateurs de musique des souvenirs toujours pleins de charme. Ce maître est M. Manuel Garcia. Ignorant de toutes les peines qu’on s’était déjà données en vue de l’inspection de l’appareil vocal, M. Garcia conçoit la pensée d’observer sur lui-même les mouvemens des organes pendant l’acte du chant. Il prend un petit miroir porté sur une longue tige et l’applique sous la luette, puis, éclairant d’un rayon de soleil un autre miroir tenu à la main, il voit en entier son propre larynx. En extase devant l’image, il ne songe plus qu’à poursuivre une étude qui sera d’un nouveau genre.