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LE
SALON DE 1876

LES GRANDS TABLEAUX ET LES GRANDS SUJETS.


IV

Le Salon foisonne en petits tableaux comme en petits sujets. Qui s’en étonnerait ? c’est la seule marchandise qui se vende, encore les artistes se plaignent-ils qu’elle ne se vend plus si bien. On accuse le public et la frivolité de ses goûts ; on ferait mieux de s’en prendre aux appartemens modernes, qui ne sont pas grands. Ce n’est pas tout de faire une emplette qui vous plaise, il faut pouvoir la loger. Les Noces de Cana étaient destinées au réfectoire du couvent de Saint-George-Majeur ; les couvens ne commandent plus guère de tableaux de cette taille, et les particuliers ne sauraient qu’en faire. Il est vrai que, si les Noces de Cana étaient à vendre, il se formerait bien vite une société par actions pour les acheter ; il y a cette ressource avec Véronèse, qu’on pourrait découper ses grandes toiles en cases de damier : les morceaux en seraient bons, et chacun s’en accommoderait ; mais Paul Véronèse est mort en l’an de grâce 1588.

Ce n’est pas à la taille qu’il faut juger la peinture, et il est permis de croire qu’un grand tableau manqué ne vaut pas un petit tableau bien troussé. Il n’est pas donné à tout le monde de faire des Arlequinades qui réjouissent le panneau auquel on les accroche ; il faut avoir, comme M. Henri Baron, du pimpant dans l’invention et la couleur gaie. Peu d’artistes savent peindre un intérieur aussi bien que M. Armand Leleux et nous faire prendre au sérieux tous leurs sujets, voire une Servante de curé, qui, son plumeau à la main,