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LA VOIX
CHEZ L’HOMME ET CHEZ LES ANIMAUX

L’homme jouit de la parole, et il en use dans de larges limites ; au contraire, l’animal le plus intelligent ne possède la faculté ni de désigner des objets, ni de traduire des sensations au moyen d’un langage articulé. Sous ce rapport, entre l’homme et la bête, la démarcation est saisissante. Elle a été invoquée à toutes les époques comme preuve du rang exceptionnel de l’humanité au sein de la création. Le physiologiste reconnaît cependant chez divers animaux une voix articulée. Des mammifères émettent des voyelles et des consonnes, mais c’est une syllabe invariablement répétée. Mieux partagés que les mammifères, des oiseaux chantent et ils ont un petit vocabulaire : le chardonneret prononce plusieurs mots qui reviennent sans cesse dans les momens de joie ; il a un mot pour témoigner sa mauvaise humeur, un mot encore pour donner un avertissement. Ce sont de pâles vestiges de la parole, remarquables témoins de l’unité d’un phénomène dont les gradations sont absentes.

Certains animaux vivent en société, d’autres voyagent en troupes ; au milieu de telles réunions, se constitue bien évidemment une sorte de langage propre à établir le concert entre les individus. Occupés à bâtir une cabane, les castors réussiraient-ils à se partager le travail en vue d’une œuvre parfaitement ordonnée, s’ils n’avaient la facilité de s’entendre ? La marmotte, en sentinelle, pourrait-elle avertir ses compagnes d’un danger, sans un signal dont l’interprétation ne reste jamais douteuse dans ce petit monde ? Au temps où les hirondelles ont coutume d’émigrer, quelques-unes, avant les autres, paraissent songer à l’accomplissement du voyage périodique ; elles se rassemblent et jettent des cris d’appel ; dans toutes