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sa famille. Une fois arrivé en Californie, il est reçu par un comité chinois résidant d’une manière permanente à San-Francisco, qui pourvoit à ses premiers besoins et loue son travail jusqu’à concurrence du paiement de sa dette. Cependant, même une fois sa dette acquittée, l’émigrant chinois n’est pas absolument libre. L’œil du comité continue à suivre tous ses mouvemens, la main du comité peut au besoin s’étendre sur lui et le ressaisir. S’il commet un crime, il ne pourra pas invoquer la loi américaine, et échapper au châtiment en donnant caution ; s’il entre dans une association secrète, fait interdit par la loi chinoise, il est responsable de sa conduite devant le comité, qui donne de sa surveillance deux raisons excellentes : la première, c’est qu’il sert de répondant à l’émigrant ; la seconde, c’est qu’il a contracté envers l’émigrant l’obligation de faire rapporter ses os en Chine en cas de mort. Cette obligation est en même temps pour le comité, grâce aux mœurs chinoises, un moyen d’intimidation tout-puissant. On sait combien est fort en Chine le culte des ancêtres et quelle importance l’enfant du céleste empire attache à sa sépulture : il peut bien consentir à vivre hors de sa patrie, mais il ne peut supporter l’idée de reposer ailleurs que sur la terre des ancêtres. « L’homme qui ne reculerait pas devant un meurtre se garderait d’irriter un tribunal qui peut apporter des retards au retour de ses os à Hong-kong. » Toute cette affaire, il faut l’avouer, est organisée avec une finesse pratique qui fait un très réel honneur au génie administratif des Chinois, et l’on voit qu’elle est montée de manière à permettre à la population mongolique un écoulement régulier de plus en plus considérable. C’est ce que Lee-wong, le résident chinois, consulté par M. Dixon, lui déclara naïvement : « nous continuons à émigrer de plus en plus ; chaque saison, le nombre s’accroît. L’an dernier 5,000, cette année, 13,000, l’an prochain 25,000 peut-être. En Amélique, abondance de terres, peu de peuple ; en Chine, abondance de peuple, peu de terres ; aussi les Chinois aiment-ils à vivre en Amélique et à revenir en Chine quand ils meurent. »


II. — LES INDIENS.

De Californie, M. Dixon nous promène longuement dans celles des régions de l’ouest où les restes des peuplades indiennes, décimées et abruties par le voisinage des blancs, trouvent leurs derniers refuges et les tribus encore vierges de toute civilisation leurs derniers terrains de chasse. Là le conflit qui sévit entre la race blanche et la race rouge est autrement vif et cruel que ceux dont nous venons de parler ; en revanche, il est beaucoup plus inoffensif. Indiens infectés de civilisation ou Indiens tout à fait sauvages forment un