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A cet envahissement lent, mais continu, des hommes de race anglo-américaine, il n’y a de résistance, parmi toutes ces premières populations californiennes, que du côté des métis. La résistance, il est vrai, est d’un genre peu recommandable ; mais il faut songer qu’elle émane d’une race dont l’origine est aussi irrégulière que ses mœurs. Ces métis de Californie sont, pour ainsi dire, une population d’enfans de troupe et de bâtards de caserne. Lorsque le gouvernement espagnol prit possession de la Californie, par une décision pleine de singularité et de grandeur, il admit que le sol californien devrait continuer à être la propriété des indigènes dans le cas où ils se convertiraient, et interdit tout droit d’acquérir aux hommes de race blanche ; les moines seuls eurent pouvoir de prendre possession de la terre. En conséquence, l’Espagne n’envoya en Californie que des soldats et des franciscains, les uns célibataires par vœux, les autres célibataires contraints. L’occupation étant ainsi exclusivement religieuse et militaire, pas une femme de race blanche ne la suivit. Les soldats espagnols, une fois établis, trouvèrent près d’eux des tribus indiennes qui étaient dans l’habitude de vendre leurs femmes et leurs filles, et comme leurs obligations de célibataires étaient de nature moins stricte que les vœux des franciscains, faute des grives espagnoles, qui leur étaient interdites, ils firent pâture amoureuse de ces merles indigènes. Une race hybride en résulta, qui, à un moment donné, devint fort embarrassante. Leur temps de service terminé, les soldats espagnols, qui étaient devenus pères, ne pouvaient amener avec eux leurs familles irrégulières, ni en Espagne, ni même au Mexique, et d’un autre côté l’église ne pouvait admettre que des enfans, bâtards ou non, fussent abandonnés par leurs parens à toutes les souffrances et à toutes les hontes d’une vie de parias. Pour sortir d’embarras, le vice-roi créa trois camps de refuge qu’il appela, villes libres, les soumit à la loi martiale, et y établit les vétérans avec leurs progénitures, avec défense, sous les peines les plus sévères, de sortir des barrières. « Quelques étrangers en petit nombre et de mauvaise espèce se joignirent aux colons dans ces villes libres : empiriques, joueurs filous, trafiquans de filles, vendeurs de whiskey, toute l’abominable racaille d’un camp espagnol. De ces viles sources dérivent presque tous les hybrides actuels du pays. » Ces races mixtes, on l’a remarqué depuis longtemps, sont les plus violentes et les plus dangereuses de toutes, non-seulement parce qu’elles souffrent d’être partagées entre deux races sans appartenir à aucune et qu’elles s’irritent contre le préjugé qui s’attache à leur naissance, mais parce que la nature, comme pour se venger de la violation commise contre elle par des individus qu’elle avait parqués dans des familles distinctes et dont elle n’avait pas voulu l’union, ne leur permet