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allumeront-elles en sa faveur le feu de l’amour dans les yeux des femmes ? »

il est aisé de comprendre qu’une race d’âme si nonchalante et de cœur si galant est faiblement armée pour résister aux envahissemens de cette entreprenante race anglo-américaine, qui, parmi ses divers moyens d’action pour prendre possession du sol de Californie, compte les trois méthodes principales que voici et dont, au dire de M. Dixon, elle use sans scrupule. La plus droite et la plus honnête est d’épouser un héritage. « Les femmes brunes aiment les hommes blonds, et si une fille de demi-sang est retirée jeune de sa famille, on peut l’élever dans les bonnes manières anglaises et lui apprendre à être une femme décente. S’il y a des frères dans la maison, les champs et les pâturages seront divisés, mais les garçons iront au diable dans un temps donné ; ils iront plus vite si on les y aide un peu, et alors les lots feront nécessairement retour à la famille. Un Anglais qui fait chasse à un héritage est rarement frustré par une race inférieure. » La seconde méthode est d’exercer l’usure pour la plus grande commodité des vices des natifs ; c’est la plus facile et la plus infaillible. Un natif californien a toujours « la poche vide et des besoins à l’infini. Il a besoin d’acheter un cheval, de donner un bal, de corrompre un shérif, de jouer aux dés. » Lorsque les emprunts ont été assez nombreux, l’Anglo-Américain ferme crédit et réclame un remboursement qui ne peut jamais s’effectuer ; alors il consent à se payer avec un moulin ou un pâturage, et il a pris pied sur le sol californien. La troisième méthode est la plus originale et celle qui réclame le plus d’énergie ; c’est la prise de possession à main armée par le droit du plus fort. Quatre ou cinq squatters bien musclés, habiles à jouer du bowie knife et à tirer de la carabine, forment une association. Ils poussent leurs troupeaux en avant et les arrêtent au premier endroit qui leur convient, sans souci du propriétaire, qu’ils laissent libre d’appuyer ses droits par la force ou par la loi. Le recours à la force entraînant nécessairement l’effusion du sang, le propriétaire, qui n’est pas sûr que le sien ne soit pas répandu, préfère d’ordinaire le recours à la loi ; mais, voyez un peu la mauvaise chance, il lui faut prouver son droit, « et il est rare qu’un titre de propriété mexicain résiste à l’examen d’un juge américain. » Dans nos vieux pays d’Europe, on considérerait une telle méthode d’acquérir comme d’une moralité douteuse, mais dans un pays aussi jeune on n’y regarde pas de si près. Les Californiens de sang espagnol peuvent être imprévoyans, prodigues et nonchalans, mais, à supposer qu’ils fussent le contraire de ce qu’ils sont, nous ne voyons pas trop en quoi l’économie, la prévoyance et l’activité pourraient les protéger contre des méthodes aussi énergiques d’acquérir. Au lieu d’accuser leurs vices,