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desseins qui l’y avaient conduit en 1702. Mais, plus heureux à la fin de sa carrière qu’à son début, il contribua à lier étroitement deux nations que la rivalité de puissance avait longtemps séparées, et que des institutions analogues et des intérêts extérieurs communs devaient alors plus que jamais réunir. Les cabinets de l’Europe, voyant ce vieux et profond politique, dont ils connaissaient la sagacité de plus en plus expérimentée et la constante modération, venir représenter auprès d’eux la révolution, crurent encore plus à la force de celle-ci et se trouvèrent mieux disposés à traiter avec elle. Dans la conférence de Londres, à la tête de laquelle le plaça l’ascendant de sa renommée et de son esprit, M. de Talleyrand fit consacrer diplomatiquement, par les puissances mêmes qui avaient formé en 1814 le royaume des Pays-Bas contre la France, la révolution et l’indépendance de la Belgique, qui devait désormais couvrir notre frontière du nord au lieu de la menacer. »

Rappelons aussi les paroles de M. Guizot au deuxième volume de ses Mémoires, car ce n’est pas trop de ces grands témoignages pour détruire les mensonges acharnés de Stockmar. « Dans la question belge, dit M. Guizot, M. Casimir Perier avait une bonne fortune rare ; il était en complet accord avec les trois hommes qui devaient y exercer le plus d’influence, le roi Louis-Philippe à Paris, le roi Léopold à Bruxelles, et M. de Talleyrand à Londres, » et plus loin : « M. de Talleyrand, à Londres, soutenait de son adhésion personnelle, et avec un grand désir de réussir, la politique qu’il avait été chargé d’y porter. Elle convenait à sa situation et à ses goûts, car c’était une politique à la fois française et européenne. C’était avec plaisir et zèle qu’il travaillait à défaire, dans la conférence de Londres, ce royaume des Pays-Bas qu’en 1814 la coalition européenne avait fait contre la France ; et il avait en même temps la satisfaction de servir dans ce travail l’ordre européen, et de s’y livrer avec le concours, contraint et triste, mais sérieusement résigné, des mêmes puissances qui à Vienne, en 1815, avaient consacré cette organisation de l’Europe à laquelle il fallait faire brèche… Représentant d’un pays et d’un gouvernement sur qui pesaient à cette époque une foule de grandes questions, il ne vit dans les affaires de France que la question belge, et dans la question belge qu’un seul intérêt, l’indépendance et la neutralité de la Belgique. » Stockmar désirait connaître les instructions secrètes que M. de Talleyrand recevait de Paris. Les voilà ; secrètes ou officielles, les voilà toutes résumées dans cette page, il n’y en a pas eu d’autres.

Comment le roi Louis-Philippe eût-if pu favoriser une politique secrète chez M. de Talleyrand ? Ce système, qui voulait l’indépendance et la neutralité de la Belgique, il l’avait soutenu dès l’origine de la question par les argumens de l’ordre le plus élevé. Ses