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ne se contentèrent pas d’y accaparer le commerce d’exportation ; ils s’attribuèrent dans la cité même tous les droits d’une corporation nationale. Vainement Edouard III, après lui Richard II, tentèrent-ils de protéger et de stimuler la navigation de leurs propres sujets ; le pli était pris, l’élan contraire donné. En 1474, le comptoir de Londres ne fut pas seulement agrandi ; il eut deux succursales : Lyn dans le comté de Norfolk, Boston dans le comté de Lincoln. Tour à tour souple ou arrogante, la Hanse avait capté la faveur d’Henry VI ; elle imposa ses volontés à Edouard IV ; Henry VII, à diverses reprises, essaya de lutter contre ses exigences. En 1491, les négociateurs qu’il chargea de le représenter à la diète d’Anvers, firent entendre à la ligue de hautaines paroles. Ils déclarèrent que les Allemands seraient, pour l’exercice de leur commerce, traités, en Angleterre, comme les Anglais le seraient eux-mêmes dans les villes anséatiques. La menace, par malheur, était sans portée. Ni l’industrie, ni la navigation anglaise n’étaient, à cette époque, en mesure de se passer du concours des anséates. Pendant plus de soixante ans encore, l’Angleterre devait rester tributaire, non-seulement de Lubeck et de Hambourg, mais aussi de Cadix et de Lisbonne. Jamais nation ne fut plus vivement sollicitée par sa situation à devenir une nation maritime, et ne supporta, faute d’avoir compris assez tôt sa fortune, un asservissement commercial plus complet.

Dès l’année 1527 cependant, un négociant anglais, Robert Thorne, qui avait longtemps résidé à Séville, mesurant sur le globe les diverses distances des états de l’Europe aux Moluques, ne pouvait s’empêcher de faire remarquer à Henry VIII que, de tous ces états, le royaume de la Grande-Bretagne était encore celui devant lequel s’ouvrait la plus courte voie vers les îles à épices. « En effet, lui disait-il, comment y arrivent les Espagnols ? D’Espagne, ils se rendent aux Canaries ; des Canaries, ils vont couper la ligne et se dirigent au sud jusqu’au cap Saint-Augustin. De ce cap au détroit de Todos Santos[1], il y a de 1700 à 1800 lieues. Le détroit de Todos Santos traversé, les Espagnols remontent vers la ligne équinoxiale jusqu’aux îles à épices, qui sont éloignées du détroit de 4,200 à 4,300 lieues. La route des Portugais est plus courte. Elle part du Portugal, va au sud vers le Cap-Vert, puis du Cap-Vert au cap de Bonne-Espérance ; entre ce dernier cap et Lisbonne, on compte 1,800 lieues. Il y en a 2,500 du cap aux Moluques. La route totale s’élève à 4,300 lieues. Quelle serait pour nous la distance à parcourir ? Nous ne sommes éloignés du pôle que de 39 degrés ; de la ligne au pôle, il y en a 90. Les deux chiffres ajoutés font 129 degrés ou 2580 lieues. Si, entre les terres nouvelles que nous avons découvertes et la Norvège, la

  1. C’est sous ce nom que fut d’abord connu le détroit de Magellan.