Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/747

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait de politique commerciale, des tendances libérales alors exceptionnelles en Europe. En ce temps-là, elle se distinguait non-seulement des états du continent, tous entichés de la protection la plus outrée, mais même de l’Angleterre, où les protectionistes faisaient la loi dans les deux chambres du parlement. Quand elle eut formé le Zollverein ou union des douanes parmi les nombreux états de l’Allemagne, elle fut contenue dans ses penchans par les préjugés de ses confédérés. Elle fit pourtant adopter un régime fort libéral pour un article des plus importans, qui est à la fois par lui-même un objet fabriqué, et, pour un très grand nombre d’industries, leur matière première : les filés de coton. Le droit de douane, sur cet article si varié, est fixé depuis longtemps en Allemagne à un taux modeste, le même pour tous les degrés de finesse : 15 centimes par kilogramme pour les fils écrus à un ou à deux bouts[1], 30 centimes pour les mêmes fils blanchis ou teints, 45 centimes pour les fils à trois bouts, en quelque état qu’ils soient, écrus, blancs ou teints[2] ; d’où suit que pour les sortes communes des fils de la première catégorie, le droit est très supportable, et que pour les sortes fines il peut être considéré comme nul. Aujourd’hui que la Prusse exerce sur tous les états d’Allemagne un ascendant dominateur, elle est plus hardie dans ses desseins de libre échange. Elle vient d’en fournir une preuve sans réplique par la mesure qu’elle a fait triompher en Allemagne, au sujet des fers. A partir du 1er janvier prochain, les droits de douanes seront abolis à l’égard des fers bruts de toute espèce, fontes, fers en barres et aciers, et, ce qui est plus frappant encore, des mêmes matières converties en outils dénommés, en pièces de machines et même en machines entières, comme des locomotives, des tenders, des wagons. Il y a quelques mois, les protectionistes ont fait entendre à ce sujet des réclamations vives dans le parlement germanique. La réponse du ministre des finances, M. Camphausen, a été pour eux plus que décourageante. La loi réformatrice est votée, elle sera maintenue ; le ministre a déclaré qu’il déposerait son portefeuille plutôt que de se prêter à ce qu’elle fût abrogée ou modifiée.

L’empire d’Allemagne est donc présentement, dans le monde, un des soutiens les plus déclarés de la nouvelle politique commerciale. L’influence qu’il exerce, à titre de puissance du premier ordre et très entreprenante, aura immanquablement de remarquables effets.

On doit signaler aussi comme très affirmatifs en faveur de ce système progressif plusieurs autres états qui en ont constaté la

  1. Le fil à deux bouts est formé de la réunion de deux fils simples.
  2. Cette troisième variété n’est pas employée pour faire des tissus ; c’est du fil à coudre. En réalité, l’importation des filés de cotons étrangers en Allemagne se compose à peu près uniquement de la catégorie taxée à 15 centimes.