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France a été d’abord très dure et elle reste fort pénible. Les impôts nouveaux sont très onéreux, et l’on est loin encore d’avoir trouvé la solution difficile du problème de la meilleure assiette à leur donner ; mais un fait positif et en soi considérable, c’est que la France a résisté à cette rigoureuse épreuve et qu’elle a repris l’allure dégagée et ferme d’une nation encore pleine d’avenir. Qui ne se souvient pourtant que le lendemain de la guerre il était vraisemblable, dans l’opinion de nos amis et encore plus dans celle de nos ennemis, qu’elle était écrasée au point de ne pouvoir plus être en Europe, pour un siècle peut-être, qu’un état de second ordre ! Grâce à la liberté relative que les échanges internationaux ont due aux traités de commerce successifs, grâce pareillement à diverses améliorations intelligentes introduites en même temps dans le régime de nos industries, notre puissance productive avait été assez accrue pour que nous eussions pu avant 1870 accumuler des réserves par le moyen desquelles nous nous sommes acquittés, et le travail national a acquis un ressort suffisant pour contrebalancer, dans une forte mesure, l’étreinte à laquelle nous avaient soumis les exigences du vainqueur.

Si donc on pose la question de savoir si l’expérience qui a été faite en France de la liberté commerciale a réussi ou non, la réponse ne pourra être que celle-ci : le succès a dépassé l’attente des promoteurs du traité. Il est vrai qu’on est resté à une grande distance de l’application complète du principe, mais on s’en est constamment rapproché, et à chaque pas qu’on a fait en avant, on n’a eu qu’à se féliciter.


IV. — CE QUI S’EST PASSE DANS LES AUTRES ETATS DE L’EUROPE CONDUIT A LA MÊME CONCLUSION.

Les autres peuples de l’Europe sont entraînés vers la liberté des échanges internationaux par un courant qui est en raison de leur civilisation, parce qu’il convient de ranger parmi les élémens essentiels de celle-ci l’aptitude au travail et le goût pour les différens modes par lesquels l’industrie humaine dans ses diverses spécialités crée la richesse. On vient de voir ce qui s’est passé chez deux grandes nations, l’Angleterre et la France, et quels fruits elles ont recueillis en retour de leurs efforts. L’Allemagne, non moins éminente qu’elles désormais, est également intéressante à observer. Son gouvernement montre, pour l’extension de la liberté des échanges internationaux, une volonté inébranlable qui est une tradition prussienne. La Prusse, il y a soixante ans déjà et pendant l’époque qui suivit, quand elle n’était encore qu’une puissance intermédiaire entre celles du premier ordre et celles du second, manifestait, en