Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/687

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appuyés sur des fortifications et sur l’armée de terre. Quelques grandes frégates à éperon étaient en outre nécessaires pour interrompre un blocus, pour engager au besoin un combat isolé en vue des rivages, et enfin des croiseurs très rapides pour s’élancer en haute mer et intercepter le commerce de l’ennemi. La rapidité devait être la principale qualité de ces bâtimens. Quoique blindés, leur force était surtout dans leur légèreté, leur mission devant être d’échapper par la vitesse à la poursuite d’un bâtiment de force supérieure ou de donner la chasse et de capturer les navires moins bien armés. Aussi leur donnait-on une artillerie moins pesante. Tels étaient l’Alexandre-Newsky et l’Amiral-Général, commandés en Angleterre. Ces bâtimens avaient été livrés par les constructeurs. Ils avaient les qualités requises ; mais l’un d’eux, l’Alexandre-Newsky, se perdit dans son voyage de Portsmouth à Saint-Pétersbourg. La Russie n’eut donc d’abord qu’un seul bâtiment de ce modèle. Elle se donna d’autres navires d’une plus grande force et d’une artillerie bien autrement formidable. Elle eut le Pierre-le-Grand, le plus puissant cuirassé qu’on connaisse, dit-on. Le déplacement de ce bâtiment est de 10,000 tonnes ; ses cuirasses ont une épaisseur de 35 centimètres et s’étendent à 1m,60 au-dessous de la flottaison. Sa coque est en fer ; sa longueur, plus de 100 mètres ; sa largeur, 19 mètres. Elle eut, sans compter le Sébastopol, le Pétropavlosk et l’Amiral-Général dont nous avons parlé, le Prince-Pojarski, dont la force n’est pas beaucoup inférieure au Pierre-le-Grand, puis le Duc-d’Edimbourg, à peu près du même rang. Au total, sa flotte présenta bientôt un effectif de 10 frégates cuirassées, 4 batteries flottantes, 11 monitors à tourelles, sans compter les bâtimens de nouvelle invention dus à l’initiative de l’amiral Popof. Le moment est venu de les décrire.

On sait qu’après avoir exagéré la longueur des bâtimens blindés pour augmenter impunément le poids de leur cuirasse et de leur artillerie, on en est arrivé à les raccourcir à tout hasard pour diminuer les frais de construction, rendre les évolutions plus faciles, et peut-être aussi par suite de ce sentiment qu’il faut absolument s’arrêter dans une voie aboutissant à l’absurde. L’amiral Popof, encouragé par le prince Constantin et l’amiral Krabbe, ministre de la marine, a poussé la théorie du raccourcissement au point de construire un navire rond, semblable, dit un ingénieur, à un couvercle. On appelle ce navire de nouvelle espèce un bâtiment circulaire. Un des premiers navires de ce genre a reçu la désignation de popofka, dérivée du nom de son inventeur. Il navigue depuis l’année 1875. D’autres navires circulaires ont été lancés ou sont sur le point de sortir des chantiers. Comment un bâtiment de cette forme peut-il