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Monarch. Le suivant fut le Captain, — tous deux d’après les plans du capitaine Coles, dont le nom est resté attaché à ce genre de navire. Le Captain avait 270 pieds de long, 48 pieds de large. La capacité en était de 4,300 tonneaux, la vitesse de 14 nœuds et plus. La coque était entièrement protégée par une cuirasse qui s’étendait à 2 mètres au-dessous de la flottaison. Il avait deux tourelles portant chacune deux canons du poids de 25 tonneaux, lançant des projectiles de 600 livres ; deux autres pièces d’artillerie étaient en outre placées sur les gaillards. Était-il trop pesamment chargé ou les poids étaient-ils mal répartis ? avait-il trop de hauteur pour sa base ? Ce qui est certain, c’est que peu de temps après la construction il sombra, entraînant son inventeur dans l’abîme à la hauteur du cap Finistère, dans la nuit du 6 au 7 septembre 1870.

La Russie venait précisément d’adopter ce genre de bâtimens ; elle en avait construit deux : l’Amiral Tchitchakof, à deux tourelles, l’Amiral Gregg, à trois tourelles. Deux autres avaient été mis sur chantier : Amiral Lazaref et Amiral Spiridof. Le gouvernement s’empressa d’en modifier les plans. On voit qu’il s’était décidé pour le système des tourelles et qu’il avait sagement attendu, pour prendre cette détermination, le moment où les derniers perfectionnemens de la marine cuirassée lui permettaient de construire une flotte à peu près homogène : but fort désirable à une époque où les innovations se succèdent avec tant de rapidité, où les modèles nouveaux, avant d’être achevés, sont surpassés par d’autres perfectionnemens ! L’Angleterre surtout est travaillée par ce besoin d’innovations. Sa flotte, toujours très puissante, est comme une carte d’échantillons. On y compte au moins un modèle de tous les types connus depuis l’origine des bâtimens cuirassés. Malgré le nombre, malgré la force de ses vaisseaux blindés, elle se présenterait au combat, dit un officier de la marine anglaise, comme une cavalerie composée de toutes les montures imaginables, « dromadaires, mulets, chevaux, éléphans, » et contre une force inférieure, mais homogène, bien armée et « bien montée, » elle pourrait avoir le désavantage. » Le gouvernement russe n’a pas pu se soustraire entièrement à cette tyrannie des perfectionnemens incessans, mais il avait une supériorité : celle d’un programme bien étudié, dont il s’est écarté le moins possible. Il ne recherchait pas les moyens de livrer des batailles navales. Tout au plus voulait-il être en mesure de les accepter. L’Angleterre seule, pensait-il, est intéressée à ce genre de lutte ; il lui appartient d’aller au-devant de l’ennemi et de profiter de sa force supérieure pour l’anéantir, loin de ses côtes. Tel n’est pas le rôle de la Russie ; la défense de son littoral est le premier objet de ses soins. Nous avons vu quels étaient ses préparatifs à cet effet : des batteries flottantes et des monitors