Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/630

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Omer-Pacha combat encore une rébellion dans le nord de l’empire, et il faut imposer par la force les réformes nouvelles du tanzimat. Depuis 1851 jusqu’en 1875, on peut dire hardiment que la question n’a pas avancé d’un pas ; au contraire elle a rétrogradé, et quelques-unes des libertés octroyées ont été, non pas abrogées ou retirées, mais annulées dans la pratique. Pour ne parler que des distinctions extérieures, un raïa de Bosnie ne ceindrait pas impunément le turban et ne substituerait pas sans scandale les opanke du Slave aux babouches du Turc, alors que, comme nous l’avons dit déjà, lors du voyage de Mahmoud on vit les chrétiens effacer toute distinction de costume entre eux et les musulmans.

Tel est le rapide historique des réformes jusqu’à l’avènement d’Abdul-Medjid ; les étapes sont peu nombreuses, puisque par le fait, depuis 637 jusqu’en 1839, la seule mesure radicale prise en faveur des chrétiens, c’est celle que leur a accordée Réchid-Pacha, mesure qui eût mis fin à toutes contestations si elle eût été appliquée dès l’origine, mais qui ne passa jamais dans les mœurs et resta une clause purement théorique. De 1839 à 1875, depuis Abdul-Medjid jusqu’aujourd’hui, tous les rescrits des sultans n’ordonnent rien de nouveau, car le tanzimat, c’est-à-dire l’ensemble des réformes violemment imposées par Orner-Pacha à la province de Bosnie, qui n’avait pas voulu accepter ces mesures et s’était soulevée, n’est après tout que le hatli-schérif de Gulkhané, qui n’avait jamais pu être appliqué dans la province, quoiqu’il fût exécutoire pour tout l’empire. Le 6 juin 1853, un nouveau hatti-schérif est promulgué ; en 1856, un hatti-houmaïoum vient encore confirmer les réformes ; en 1858 et en 1862, à la suite du soulèvement de Luca Vukalovitch, on y revient dans les termes les plus formels, et l’on peut espérer enfin que la loi écrite deviendra la loi ; mais il n’en est point encore ainsi. Depuis cette époque, une nouvelle insurrection a éclaté, et le comte Andrassy, dans ses conclusions, se voit forcé de poser le desideratum suivant : « Je viens d’exposer les points dont il faudrait obtenir l’application aux provinces soulevées pour pouvoir se livrer à l’espoir fondé d’une pacification. Ces points les voici : la liberté religieuse pleine et entière, l’abolition du fermage des impôts, etc. »

Le droit d’ouvrir des églises est reconnu depuis longtemps, les manifestations extérieures du culte sont tolérées, les chefs spirituels, patriarches, évêques, archimandrites, ont le droit, en principe, d’administrer les diocèses et de diriger les communautés ; en un mot, il semblerait qu’on jouisse de la liberté religieuse sans restriction aucune, mais les autorités locales trouvent moyen d’annuler dans la pratique toutes ces mesures libérales, parce que pour