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qui furent respectées lors de la destruction de la Jérusalem judaïque. L’assimilation de l’édifice gravé sur les monnaies de Baudouin avec cette Tour David est confirmée par une autre petite pièce de cuivre de fabrique analogue, et qui est la plus curieuse peut-être des monnaies frappées par les croisés à Jérusalem : on y voit le même édifice crénelé, accompagné cette fois de la légende explicative : Turris David, qui lève tous les doutes. Cette humble petite monnaie est encore précieuse à un autre titre : elle nous rappelle un des épisodes les plus dramatiques de la lutte suprême des chrétiens de Palestine contre les troupes victorieuses de Saladin. Lorsque l’immense désastre de Tibériade eut fait tomber aux mains de l’émir sarrasin le roi Guy avec toute son armée, Saladin n’eut qu’un désir, rentrer avant tout en possession de la ville sainte, et ses troupes allèrent immédiatement assiéger Jérusalem. Le gouverneur était alors Balian d’Ibelin, il se prépara à une résistance désespérée ; mais ses ressources étaient par trop insuffisantes, et, le 2 octobre 4187, il était forcé de capituler après un siège de quatorze jours. Un passage d’un chroniqueur contemporain affirme qu’à l’approche des Sarrasins « on dépouilla les églises pour se créer des ressources et obvier à la rareté du numéraire, et que le peuple, effrayé de l’approche de Saladin, vit sans scandale convertir en monnaie le métal qui couvrait la toiture du Saint-Sépulcre. » Or cette monnaie obsidionale frappée par les derniers défenseurs de la ville sainte est très probablement la petite pièce de cuivre qui porte le nom de la Tour David. Les chrétiens de Jérusalem, entourés d’ennemis innombrables, furent naturellement conduits à graver sur leur monnaie la Tour David, leur dernier espoir, le donjon séculaire bâti sur les restes de cette tour Phasaël, qui avait vu les révoltes des Juifs contre Titus et leur courageuse résistance, et qui devait cette fois encore protéger la capitale contre l’effort des Sarrasins. Le gouverneur de Jérusalem, livré à lui-même, a fort bien pu, sur les monnaies dont il ordonnait l’émission, ne mentionner que le nom de la sainte forteresse qu’il était chargé de défendre.

Sur les monnaies d’Amaury Ier et de Jean de Brienne figure, en place de la Tour David, un édifice circulaire, supporté par une série continue d’arcades et couvert par un toit conique dont les poutres vont aboutir à un cercle ouvert. C’est la célèbre rotonde de l’église du Saint-Sépulcre, représentée telle qu’elle existait au temps des croisades, et telle qu’elle exista jusqu’au grand incendie de 1808, avec son rang d’arcades soutenues par des colonnes, sa galerie supérieure et sa couverture en bois ouverte au centre. Les descriptions anciennes ne laissent aucun doute sur la forme du monument fameux dont l’aspect général et les élémens principaux sont reproduits sur les pièces d’Amaury et du roi Jean. Enfin, sur de rares