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termes les plus pressans. Un des agens de son département, M. Charles White, va trouver Léopold en son quartier général de Malines, et lui dit : « Sire, M. de Muelenaere vous supplie à genoux d’empêcher une mesure qui est contraire à la constitution et qui peut compromettre l’honneur militaire du pays. » Le respect de la constitution, les scrupules de l’honneur militaire, ce sont choses qui doivent toucher le roi ; il cède et fait écrire au maréchal Gérard qu’il le prie de suspendre sa marche.

C’est le 6 août que Léopold a donné cet ordre ; qu’arrive-t-il ? Le 8, après deux jours de lutte, l’armée de la Meuse sous le commandement du général Daine est mise en pleine déroute, et le 12 l’armée de l’Escaut, restée seule en face de forces supérieures, subit une défaite écrasante dans les plaines de Louvain. Heureusement, l’armée française a repris sa marche. Ce même ministre, M. de Muelenaere, dont les conseils funestes avaient arraché au roi la lettre du 6 août, est obligé d’écrire le 11 à M. Van de Weyer : « La France a répondu à l’appel de notre roi avec cette précipitation toute française qui nous avait d’abord déconcertés, mais dont nous devons nous féliciter aujourd’hui. Les troupes françaises sont arrivées à Namur et à Mons. » Dans la matinée du 13, nos vedettes se montrent, à Corteren et à Tuerveren, en face des Hollandais. C’est le terme de l’invasion, la Belgique est sauvée. Le prince d’Orange, pour ne pas s’exposer à nos coups, est forcé de signer une convention avec le général Lawœstine, représentant du maréchal Gérard : l’armée hollandaise commencera immédiatement son mouvement rétrograde et sera suivie par les Français jusqu’à la frontière. Ce programme fut exécuté de point en point ; le 20 août 1831, il ne restait plus un soldat hollandais sur le sol belge.


III

Le roi Léopold s’était bravement conduit. On l’avait vu plus d’une fois se porter sur les points menacés, et là, au premier rang, entraîner les jeunes troupes. « Il s’est battu en sous-lieutenant, » disait un de nos officiers, bon juge en fait de bravoure, le général Belliard. On ne vantait pas seulement l’ardeur du sous-lieutenant, on appréciait aussi le capitaine : en mainte occasion il avait placé l’artillerie, lancé les colonnes, dirigé tous les mouvemens. « Sans lui, dit le général Belliard dans une lettre au général Sébastiani, l’armée belge était anéantie. » Il y avait là en effet bien des élémens de ruine, et si le roi en connaissait une partie, lui qui avait été obligé dès le 5 août de destituer son ministre de la guerre, le