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Léopold pour lui lire le décret qui le nomme roi des Belges. C’est le président du congrès, M. de Gerlache, qui porte la parole ; il est assisté des plus dignes représentans du peuple belge, M. le comte Félix de Mérode, M. Van de Weyer, M. Lebeau, M. Devaux. Le prince répond en nobles termes. Être appelé à maintenir l’indépendance d’une nation et à consolider ses libertés, c’est la tâche la plus haute, la plus utile que puissent offrir les destinées humaines. Il fallait une telle mission pour le décider à se séparer d’un pays auquel l’attachaient des liens et des souvenirs sacrés, un pays qui lui avait donné tant de témoignages de sympathie. Il acceptait donc sans hésiter cette marque de confiance « d’autant plus précieuse, disait-il, qu’il ne l’avait point recherchée. » Enfin, il était prêt à répondre à l’appel du peuple belge, aussitôt que le congrès de Bruxelles aurait accepté les dix-huit articles préparés par la conférence de Londres. C’était là une condition imposée, non par lui, mais par les circonstances mêmes.

Les députés retournent à Bruxelles. Les dix-huit articles sont soumis au congrès, et, après une discussion qui rappela quelque fois, dit M. Théodore Juste, les jours les plus orageux de la convention nationale, l’œuvre de la conférence de Londres est acceptée le 9 juillet par les représentans du peuple. Le lendemain une nouvelle députation se rend en Angleterre pour aller chercher le prince Léopold et l’accompagner en Belgique. Le prince met ordre à ses affaires, scelle ses papiers de Claremont, fait ses adieux à la famille royale, à sa sœur, à sa nièce, et part le 16 juillet avec la députation belge. Salué à Douvres par le canon des batteries de la côte, salué à Calais par l’artillerie du Fort-Rouge, c’est sous ce double hommage de l’Angleterre et de la France que le roi des Belges sur un navire belge allait prendre possession de la royauté. Son entrée en Belgique, par ces beaux jours de juillet 1831, lui réservait des fêtes enthousiastes. À Ostende, à Bruges, à Gand, à Bruxelles, où il arrive le 19, la joie du peuple ne saurait se décrire. Les évêques sont au premier rang de ces grandes manifestations. L’accueil des campagnes dépasse encore celui des villes. À voir ces curés de village sur la route du cortège venir saluer avec empressement ce roi luthérien, restaurateur de l’indépendance nationale, comment ne pas admirer tant de sagesse unie à tant de patriotisme ? Enfin le 21 juillet a lieu l’inauguration de la jeune royauté. Le roi qui a passé la veille au château de Laeken, occupé à s’entretenir des affaires publiques avec les plus illustres citoyens, monte à cheval et gagne la porte Guillaume. Il porte l’uniforme de général, un brillant état-major l’accompagne. Quelle foule joyeuse ! Quel radieux soleil ! C’est là un de ces jours que les peuples