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constitutionnelle, de l’aider à trouver un roi qui pût inspirer confiance à l’Europe ; voilà par quel enchaînement d’idées lord Palmerston, favorable d’abord comme lord Aberdeen au système d’une séparation administrative entre la Belgique et la Hollande, finit par devenir un des fondateurs de la monarchie belge. À supposer que lord Aberdeen fût arrivé aux mêmes conclusions, il est probable que le ministère du duc de Wellington n’aurait pas songé au prince Léopold pour le trône du nouveau royaume ; le prince était trop suspect comme ami des whigs, et les ministres tories lui gardaient de trop vives rancunes pour sa renonciation au trône de Grèce. C’est donc à lord Palmerston que revient l’honneur de cette initiative. Lord Palmerston compléta son œuvre lorsque, résolu à écarter du trône des Belges un prince de la maison de France, il comprit cependant qu’il fallait tenir compte des sympathies de la Belgique pour une nation amie, et fit entrer dans ses combinaisons le mariage du prince Léopold avec une des filles du roi Louis-Philippe. La Belgique affranchie du joug hollandais, l’état nouveau mettant ses libertés sous l’abri d’une monarchie constitutionnelle, la couronne donnée à un prince qui offrait toutes les garanties de sagesse libérale et de vrai patriotisme, ce prince marié à une princesse de la famille royale de France ; tel était dès le mois de janvier 1831 l’ensemble du programme que s’était tracé lord Palmerston et qu’un avenir prochain devait réaliser avec la plus précise exactitude.

Faut-il accuser lord Palmerston d’avoir joué un double jeu, parce que ses premières idées sur cette question ne se trouvèrent pas d’accord avec son plan définitif ? Ce serait une étrange façon de raisonner. Le ministre anglais a changé d’avis, voilà tout. La réflexion l’a éclairé ; qu’y trouve-t-on à redire ? Une étude plus attentive des choses les lui a montrées sous leur vrai jour ; où est le crime ? en politique comme en toute matière, si ce n’est pas un droit ou plutôt un devoir de se rectifier après examen, la liberté morale n’est qu’un mot. Comment donc M. le baron Ernest de Stockmar, l’éditeur des mémoires qui nous occupent, reproche-t-il au gouvernement du roi Louis-Philippe d’avoir joué un double jeu parce qu’il n’a pas tenu au mois de janvier 1831 le même langage qu’au mois de février ? Là aussi les choses marchaient vite, et d’heure en heure les points de vue changeaient. Tendre ou plier sa voile selon le vent qui souffle, on ne nomme pas cela un jeu, encore moins un double jeu, c’est la fonction sérieuse du capitaine. M. Stocknaar, qui ne manque pas une occasion de se montrer injuste envers la France, a ramassé ces accusations dans la Vie de Palmerston de M. Bulwer. Je ne m’étonne pas du goût de M. Stockmar pour ce livre suspect ; il aurait du pourtant, en bonne conscience, citer les