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ménager, le parti français à satisfaire : « Eh bien ! répliquait le ministre, le prince Léopold pourrait épouser une des filles de Louis-Philippe. » Si M. Van de Weyer avait l’air de soupçonner une difficulté dans la religion du prince : « N’ayez crainte, continuait lord Palmerston, nous avons sondé Cappocini, l’internonce du pape. Le représentant du saint-siège a formellement déclaré qu’il ne considérait pas le choix d’un prince catholique comme indispensable. La cour de Rome a bien moins pour du prince Léopold que du duc de Nemours ; elle pense qu’un souverain protestant dans un pays si catholique sera nécessairement plus intéressé qu’un autre à respecter les droits de l’église et de la majorité. »

On n’aurait pas tenu ce langage au foreign office sans la révolution parlementaire qui avait été à Londres le contre-coup de la révolution de juillet. Le 16 novembre 1830, à la suite d’un vote, peu important du reste, qui mettait les tories en minorité, les whigs avaient été comme poussés au pouvoir par l’opinion. Le ministère de lord Grey avait remplacé le ministère du duc de Wellington et lord Palmerston avait pris aux affaires étrangères la place de lord Aberdeen. Dans la question qui divisait la Belgique et la Hollande, le programme de lord Aberdeen était de ne pas permettre la séparation politique des deux pays ; il croyait bien à tort que, pour apaiser les griefs des insurgés, la séparation administrative suffisait. Aussi quand on voit le congrès national de Bruxelles, deux jours après la victoire des whigs, proclamer l’indépendance politique du peuple belge, on est disposé à croire que cette victoire des whigs dans le parlement promettait au congrès national de Belgique un appui direct et assuré. Ce n’était pas tout à fait le cas, la réalité ne répondait pas si exactement à l’apparence. Moins hostile que lord Aberdeen à la séparation, politique des Hollandais et des Belges, lord Palmerston ne s’y accoutuma pourtant que peu à peu. Whigs et tories, par un même sentiment de défiance à notre égard, regrettaient ce royaume des Pays-Bas constitué contre nous en 1814, augmenté encore en 1816, et qui, avec la Prusse et la Bavière rhénanes, formait comme les avant-postes de la coalition européenne. Ce regret n’eut rien d’opiniâtre dans l’esprit de lord Palmerston ; sitôt qu’il eut saisi de son regard prompt et hardi la vraie situation des choses en Belgique, il changea immédiatement de programme. Son plan se réduisait à deux points : permettre aux Belges de se détacher complètement de la Hollande, empêcher la France de tirer un trop grand avantage de cette première rupture des traités de Vienne. Ainsi, nécessité de s’opposer à toute mesuré qui, directement ou non, tendrait à faire de la Belgique une province de France, par conséquent aussi nécessité d’assurer à la Belgique une vie propre, de lui faciliter l’établissement d’une monarchie