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événemens de ces dernières années. M. Canovas del Castillo a réellement déployé, dans cette œuvre aussi laborieuse que délicate, une sagesse, une habileté et un tact qui ont fait le succès de la restauration espagnole. Il a réussi autant qu’il pouvait réussir, et l’autre jour, en défendant contre les anciens modérés absolutistes ou contre les partisans d’une liberté illimitée les idées de tolérance religieuse qui vont entrer dans la constitution nouvelle, il a pu constater les résultats de sa politique de conciliation, de transformation des partis ; il a pu dire devant les cortès, qui l’ont applaudi : « Il faut qu’il soit bien établi qu’ici il n’y a pas de gouvernement ni de majorité portant le nom « d’unioniste » ou de « modéré, » il n’y a qu’un gouvernement libéral-conservateur et une majorité libérale-conservatrice. » C’est avec ce sentiment de libéralisme conservateur que M. Canovas del Castillo a conduit heureusement jusqu’ici les affaires de la monarchie restaurée et qu’il a dénoué patiemment depuis un an toutes les difficultés qui se sont succédé.

Ces difficultés restent assurément nombreuses, considérables encore, et il en est deux surtout que le gouvernement de Madrid ne peut plus éluder, maintenant qu’il touche au rétablissement définitif d’un régime régulier dans la paix reconquise. La plus pressante, la plus grave peut-être de ces difficultés du moment est cette question des fueros des provinces basques qui survit à la guerre civile, qu’il faut absolument résoudre, d’autant plus que c’est une cause d’ardente émotion dans le pays menacé de perdre ses privilèges héréditaires. Les Basques tiennent à leurs traditions et à leurs coutumes. Des députations ont été appelées à Madrid, et naturellement les délégués ont reçu des provinces qu’ils représentent la mission de défendre les fueros, de réclamer le maintien de cette situation privilégiée qui fait que le pays basque n’a été soumis jusqu’ici ni à la conscription ni aux impôts généraux. A Saint-Sébastien, à Bilbao, dans toutes ces régions, malgré le souvenir des misères encore récentes de la guerre, il y a eu et il y a peut-être toujours une certaine agitation. C’est une question des plus délicates qui s’élève sérieusement pour la première fois depuis 1839, depuis le traité de Bergara.

Évidemment le cabinet de Madrid est dans son droit en prétendant étendre les lois générales à l’Espagne tout entière. Les Basques ne peuvent plus invoquer des garanties qui avaient été respectées jusqu’ici ; ils ont perdu leurs titres en participant à la dernière guerre : c’est là ce que leur a valu don Carlos en exploitant leur dévoûment. Non-seulement le cabinet de Madrid est dans son droit, mais il a la force, il a dans les provinces du nord une armée d’occupation qui lui assure une domination incontestée. Il peut tout faire, rien n’est plus vrai ; mais en même temps il faut considérer que ces provinces accoutumées à se gouverner elles-mêmes ont été toujours les mieux administrées de l’Espagne, et que ce serait une étrange politique de leur enlever jusqu’à des privilèges d’administration locale qui sont sans danger. Il faut se