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nouvelles portaient qu’un grand nombre de militaires français avaient dirigé la défense de Bruxelles. Sans voir trop noir dans l’avenir, on peut se dire qu’une guerre générale sera la conséquence inévitable de cet état de choses ; et par quoi et quand finira-t-elle ? En vérité, il y a là de quoi confondre les meilleures têtes ; que vont devenir celles qu’assez d’expérience nous a appris à regarder comme bien médiocres ? »

Quel était donc l’événement signalé en ces termes ? Quelle était cette diabolique affaire qui devait amener inévitablement une guerre européenne ? C’était la révolution belge, une révolution nationale, qui, loin de troubler la paix de l’Europe, était destinée, grâce au prince Léopold, à en devenir une des plus sérieuses garanties. Cette affaire diablement mauvaise a été, nul ne l’ignore, une des affaires les plus honorables de notre siècle. N’est-ce pas chose curieuse, quand on sait ce qui a suivi, de voir la révolution de septembre 1830 dénoncée comme le début d’une perturbation universelle, et dénoncée à qui ? À celui qui consacrera cette révolution, qui lui donnera sa forme et sa règle, qui fondera la monarchie constitutionnelle en Belgique, et qui, trente-cinq ans plus tard, honoré partout comme le Nestor des souverains, choisi maintes fois pour, arbitre entre les états civilisés, s’éteindra paisiblement au milieu des larmes de son peuple et des respects du monde ?

Nous n’avons pas à raconter ici la révolution belge. Les événemens qui ont séparé la Belgique de la Hollande ont été appréciés par des écrivains auxquels nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs ; ce ne sont pas les notes de Stockmar qui nous permettraient de rien ajouter à leurs récits. Ces événemens sont antérieurs à la date où le prince Léopold et son conseiller vont entrer en scène. Nous supposons les faits connus. Le réveil de l’esprit national en Belgique, la protestation de tout un peuple contre cette création arbitraire d’un royaume des Pays-Bas, les imprudences du roi Guillaume Ier l’union de tous les partis contre le dominateur commun, l’alliance des républicains et des catholiques, l’insurrection éclatant dès le 25 août, le roi convoquant les états pour le 13 septembre, en même temps qu’il envoie une armée pour réprimer la révolte, l’armée hollandaise chassée de Bruxelles, un gouvernement provisoire établi, toutes les villes soulevées, et bientôt, aux premiers jours d’octobre, la Belgique entière affranchie du joug hollandais ; telles sont les principales étapes de ce grand mouvement national. Nous supposons toutes ces choses présentes au souvenir du lecteur. Notre point de départ, c’est l’heure où la révolution belge va faire appel au prince Léopold de Saxe-Cobourg. Stockmar est auprès de lui, Stockmar est le témoin de ses actes et le confident de ses pensées. C’est seulement à dater de cette heure que les notes de