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LA CONSTITUTION DU SOLEIL.

jugemens. Or, pour le père Secchi, les taches sont des phénomènes d’éruption. Elles résultent de bouleversemens qui soulèvent par endroits la photosphère en donnant naissance aux brillantes facules, tandis que sur d’autres points il se forme des dépressions, des cavités plus ou moins régulières où se déposent les produits refroidis de l’éruption. Comme les fumerolles des solfatares, ces vapeurs condensées se réunissent en nuages épais qui arrêtent les radiations et font tache sur le fond lumineux de la photosphère[1]. Puis ces nuages s’abaissent, s’enfoncent lentement, en vertu de leur poids, dans la couche lumineuse, et les taches se montrent à nous sous la forme de cratères remplis de fumées opaques, sur lesquels on voit parfois s’étendre des voiles roses d’hydrogène incandescent. Ces masses sombres ne tardent pas à être envahies par la matière lumineuse ambiante ; de toutes parts, des langues de feu pénètrent dans l’intérieur de la tache, et souvent se rejoignent de manière à former des ponts qui, en s’élargissant, produisent la division, la segmentation de la tache. Ces filets, ces courans lumineux qui composent la pénombre sont des masses de matière photosphérique : les unes s’engouffrent dans la matière obscure pour s’y dissoudre ou pour y perdre leur éclat, les autres flottent encore à des niveaux plus élevés. La profondeur des taches, d’après les mesures de Wilson et du père Secchi, ne dépasse jamais un rayon terrestre (environ 6 000 kilomètres) ; en moyenne elle est de 2 000 kilomètres seulement. On croyait autrefois que la profondeur des taches mesurait l’épaisseur de la photosphère ; rien ne nous oblige à l’admettre : la couche lumineuse peut s’étendre, au-dessous des taches, à des profondeurs inconnues.

On peut, dit le père Secchi, considérer la photosphère comme formée de flammes proprement dites, ou bien comme un brouillard lumineux, suspendu dans une atmosphère transparente, tout comme les nuages terrestres sont suspendus dans l’air, à cette différence près que les nuages solaires sont formés d’une matière beaucoup moins volatile. Si nous adoptons cette manière de voir, l’aspect extérieur de la photosphère ressemblera à celui que présenterait la terre enveloppée de nuages et vue de la lune. Cet aspect mamelonné s’observe quelquefois du sommet des montagnes, ou du haut d’un ballon qui plane au-dessus des nuages ; on voit des nuages en forme de cumulus s’allonger, se masser, se dissoudre partiellement et disparaître sur place. On s’expliquerait par cette analogie la rapidité avec laquelle s’accomplissent certains changemens dans les taches sur une vaste étendue. Un changement de température,

  1. Les bouffées d’hydrogène qui sortent de ces foyers d’éruption ne paraissent pas produire le même effet, car le père Secchi a vu souvent à de vastes protubérances hydrogénées succéder des taches très petites.