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LA CONSTITUTION DU SOLEIL.

caché par les nuages. Une foule d’astronomes, — MM. Zœllner, Huggins, Lockyer, Respighi, Secchi, Tacchini, Winlock et beaucoup d’autres, — dessinent régulièrement les protubérances qui s’aperçoivent autour du soleil. Généralement on les voit rouges, d’un rouge qui correspond à la raie C de Fraunhofer ; mais on pourrait aussi les voir bleues, en dirigeant le spectroscope sur la raie F, ou encore violettes ou jaunes ; l’image rouge est préférée parce qu’elle est plus lumineuse que les autres. La couleur rose ou fleur de pêcher que les protubérances présentent lorsqu’on les étudie à la faveur de l’obscurité des éclipses, résulte du mélange de ces diverses teintes élémentaires.

À certaines époques, où il se manifeste dans la fournaise solaire comme un redoublement d’activité, où les taches s’étendent et se multiplient, les protubérances envahissent la plus grande partie du bord de l’astre. Les formes de ces émanations gazeuses sont si variées et en même temps si mobiles, qu’il est souvent difficile de les décrire, et qu’il devient presque impossible de les classer. Parfois ce sont simplement des masses de couleur rouge qui ressemblent à ces gros nuages entassés à l’horizon qu’on appelle des cumuli, ou bien ce sont des brouillards légers, des traînées de fumée légère, qui simulent tout à fait l’aspect d’un ciel pommelé. La forme la plus ordinaire est celle de flammes à structure filamenteuse ; rarement elles montent toutes droites, le plus souvent elles sont courbées comme par un vent violent, quelquefois elles se tordent en spirale. D’autres fois, ces appendices roses ressemblent à de gigantesques fleurs, ou bien ils forment des gerbes, des panaches, des éventails, des rayons, qui font songer à un colossal feu d’artifice. De temps à autre, on voit des nuages isolés, suspendus à une grande hauteur au-dessus de la photosphère, et lançant comme une pluie de feu dans toutes les directions. Rien ne peut donner une idée de la vivacité des teintes que présentent ces masses incandescentes, animées d’une activité intérieure où semble respirer la vie, qui montent et descendent, naissent et disparaissent, se forment et se transforment sans cesse sous les yeux de l’observateur qui les regarde de sa lointaine cachette.

Les nuages isolés s’élèvent quelquefois à des hauteurs immenses et tout à fait surprenantes. C’est ainsi que le père Secchi a vu, le 3 avril 1872, un nuage rose dont le bord supérieur était déjà à une distance d’environ 4 minutes d’arc (180 000 kilomètres) du bord solaire, monter en moins d’une demi-heure à 7′ 29″ (320 000 kilomètres), hauteur qui équivaut à un quart du diamètre du soleil ou à vingt-sept fois celui de la terre. Il résulte de ces nombres que